Cette interview est menée conjointement par Henrik Berg (fondateur de Morjas) et Andreas Weinås. Lorsque j’ai su (Henrik) que j’allais interviewer l’homme qui en sait le plus sur les montres, j’ai dû améliorer mon jeu. J’ai donc pris mon téléphone et appelé mon ami Andreas, qui s’y connaît mieux que quiconque en horlogerie. Toutes les questions relatives aux montres sont d’Andreas. Merci, mon ami.

[iPhone buzzing. Nouveau message whatsapp d’Auro Montanari.]

“Lundi matin, nous pouvons commencer par un café à votre hôtel. Ensuite, nous pourrons déjeuner chez moi. Tout est fermé à Bologne.”

Mais commençons par le début. J’ai fait la connaissance de Goldberger à Milan au printemps 2019. J’étais en ville et j’ai rencontré Luca Rubinacci pour prendre un verre au couché du soleil, ce qui m’a ensuite conduit à un petit cocktail donné au magasin Fortela, la marque fondée par Alessandro Squarzi.

Alessandro, ombragé par des lunettes de soleil de Jacques Marie Mage, a salué les invités avec son grand sourire italien. À côté de lui se tenait un homme qui ressemblait à la fois à un méchant de James Bond, à un empereur des affaires et à un marchand de vêtements vintage. Chemise en denim délavé, veste en cuir vintage à la patine prononcée et aux épaules structurées. Accompagné d’un pantalon taille haute en laine mélangée à du marron. Complété par une paire de mocassins à glands marron foncé. Goldberger est plus grand que l’Italien moyen. Épaules larges. Taille de 190 cm. Avec des yeux qui remarquent les détails tel Jason Bourne. Cet homme remarque tout ce qui l’entoure. Vous vous rendez pas toujours compte qu’il remarque tout les détails. Mais c’est le cas. Des choses que les autres mettent quelques secondes à déceler, Goldberger les voit en une nanoseconde. C’est son don.

“Jolies épaules”, a-t-il dit en fumant. Il a pointé un doigt vers mes épaules. Ces dernières années, les épaules naturelles et la spalla camicia ont fait l’objet d’une véritable délire. Bien que je comprenne, ce n’est pas pour moi. Je veux que mes épaules soient bien structurées. Appelez-moi vieille école. Et apparemment, Auro Montanari alias John Goldberger aussi. C’est sur ce sujet que nous nous sommes rapprochés.

Quand j’ai rencontré Goldberger pour la première fois, je n’avais aucune idée de qui il était. Nous avons commencé à discuter de style, il m’a posé des questions sur Morjas, sur la façon dont je pouvais vivre en Suède pendant l’hiver et sur le fait qu’il s’intéressait vraiment aux montres et au vintage. On ne se douterait pas que c’est un homme qui est connu pour avoir la collection de montres la plus rare du monde. Les premiers traits de caractères qui vous viennent à l’esprit ? Humble. Réservé. Poli. Vif. Aimable. Confiant. Calme.

J’ai terminé la soirée en publiant une photo sur mon Instagram. Sur la photo : Luca Rubinacci, Alessandro Squarzi, Goldberger. Si je ne savais pas qui était Goldberger avant, j’étais sûr de le découvrir à cet instant. Des dizaines de messages d’amis ont afflué : “As-tu rencontré Goldberger… ?”, “GOLDBERGER ?”, “WTF !!”, “Nooooon”. Apparemment, j’avais rencontré la personne qui dans le monde des montres est ce que Cristiano Ronaldo est dans le monde du football.

Pour ma défense et ce que vous pouvez probablement vous dire à présent : Je ne suis pas un connaisseur de montres. Tout ce que je savais, c’est que c’est un homme que je voulais voir porter une paire de Morjas. Je ne savais pas que Goldberger n’avait jamais fait de campagne dans le domaine de la mode masculine. Son côté mystique et sa rareté créent une aura sexy. Oui, une aura sexy. Je veux le voir avec une paire de Morjas. Absolument.

Septembre 2020. Nous avions prévu de rendre visite à Goldberger chez lui à Bologne, mais nous avons décidé de reporter la visite en raison de la pandémie. Nous avons fixé une nouvelle date en novembre.

Lorsque le mois de novembre s’est présenté, j’ai repris contact avec Goldberger, qui était toujours très enthousiaste à l’idée de faire une séance photo. Oui, c’était le temps de Corona. Oui, dites-moi que je suis irresponsable. Oui, appelez-moi comme vous voulez. Mais quand des occasions comme celles-ci se présentent à moi dans la vie, je ne les laisserai pas passer pour rien au monde. Pandémie ou pas. Alors, avec mon fidèle compagnon et photographe Abraham Engelmark, je suis allé au centre de soins local, j’ai fait le test PCR, j’ai obtenu le résultat et je me suis ensuite rendu à Bologne, en Italie.

Nous nous avons réservés dans l’un des rares hôtels qui étaient ouverts. Une chose qui m’a frappé très tôt dans ma relation avec Auro, c’est sa prévenance. Au cours de notre voyage, il s’est régulièrement présenté à l’hôtel pour demander “Comment allez-vous ? Il nous a ensuite donné des informations sur la situation à Bologne et sur la façon dont il allait s’occuper de nous.

Rappel : les gens au grand cœur veulent vraiment ce qu’il y a de mieux pour vous. Peu importe qui ils sont. Ils comprennent qu’un véritable acte de bonne volonté en suscite toujours un autre.

Dimanche 22h48. Nouveau message de Goldberger : “Heureux que vous soyez bien arrivés. Bonne nuit, à demain à 8h30 à l’hôtel”.

Lundi 8h24. “Buongiornio Signora”. La voix italienne, profonde et claquante, est familière. De loin, j’entends Goldberger saluer la réceptionniste.

Un homme qui représente ce qu’est le cool. Des bottes chukka basses en daim brun. Pantalon de flanelle marron-gris. Pull en cachemire couleur chocolat. Une veste en tweed. Le tour porté sous une veste de campagne vintage de l’armée américaine. C’est ainsi que l’on travaille avec les contrastes pour créer un look décontracté, intemporel et surtout, cool.

Goldberger :
Ciao mes amis. Comment s’est passé le voyage ?

Henrik :
Très bien, merci. C’est bien d’être à Bologne et de changer d’air pendant quelques jours.

Goldberger :
Il fait froid en Suède maintenant ?

Henrik :
Toujours.

Goldberger :
C’est bon de  vous avoir ici alors. Au moins, vous pouvez voir un peu de soleil.  Pendant la matinée, j’ai visité quelques-unes de mes fournisseurs préférées. Comme vous le savez, tout est fermé, alors aujourd’hui, je vais préparer le déjeuner. Nous allons commencer par un café chez moi, puis nous prendrons quelques photos. Cela vous parait être un bon plan?

[Je prépare les chaussures. Goldberger sélectionne les tenues.
Oui, je sais. Vous voulez en savoir plus sur la maison de Goldberger, mais j’en resterai là. Il s’est déjà ouvert à nous plus que jamais et c’est un accès á son intimité et sa vie privée que je préfère ne pas exploiter. Tout ce que vous devez savoir, c’est que c’est WOW].

[Déjà lors de la première tenue, j’ai compris que c’est quelque chose qui va au-delà de ce que vous vivez habituellement. Le style de Goldberger est unique. C’est une combinaison d’élégance, de finesse et de décontraction. Et je ne veux pas interférer. Quand quelqu’un est bon dans ce qu’il fait et qu’il sait ce qu’il fait, on n’interfère pas. Laissez-les être et laissez-les créer de la magie. Tout l’habillage a été pensé et réalisé par Goldberger lui-même].

Goldberger:
“Tout va bien ? Heureux ? Super, allons déjeuner”.

Voir Goldberger dans la cuisine, c’est relaxant. Il ne fait jamais un geste qui soit précipité ou stressé. Son corps bouge et suit un rythme comme dans une danse.

“J’ai cette mozzarella qui est la meilleure que vous n’avez jamais goûtée. Tenez, goûtez.”

Oui. C’est la meilleure mozzarella que j’ai jamais goûtée.

Salade d’avocats et de tomates, mozzarella, gorgonzola, mortadelle, jambon de parme et saumon fumé.

“J’ai acheté ce saumon spécialement fumé parce que je voulais avoir votre avis. Vous venez de Suède et vous connaissez vraiment le saumon. C’est un ami qui fume le poisson d’une manière spéciale”.

Henrik :
C’est très bon. La fumée atténue le goût propre du poisson et le rend plus élégant.

Goldberger :
N’est-ce pas ? Je pense que c’est vraiment bon. Je suis heureux de vous le faire découvrir.
Vous aimez le vin ?

Henrik :
Bien sûr.

Goldberger :
Je vais ouvrir cette bouteille que j’ai achetée il y a quelques années. Vous verrez qu’elle est vraiment bonne.

[Pause. Comme vous l’avez peut-être déjà remarqué, Goldberger n’est pas votre hôte habituel. Tout ce qu’il fait, il le fait avec beaucoup de soin et d’amour derrière lui. Il s’est levé tôt pour aller chercher des provisions chez ses fournisseurs privilégiés. Il a acheté un saumon spécial juste parce qu’il voulait que nous le goûtions. Il ouvre une bouteille de pinot noir qui fait chanter Dionysos. Il aime vraiment prendre soin des gens qui l’entourent. C’est inspirant].

Henrik :
Abraham et moi ne savons pas quoi dire. Nous sommes incroyablement reconnaissants pour tout ce que vous avez faites, Auro. Merci.

Goldberger :
Avec plaisir, vraiment.

Henrik :
Pendant que nous profitons de ce déjeuner qui satisfait  l’âme, je vais enregistrer sur mon téléphone. D’accord ?

Goldberger :
Oui.

Henrik :
Beaucoup vous connaissent peut-être sous le nom de John Goldberger, mais ce n’est pas votre vrai nom. Pourquoi avez-vous choisi ce pseudonyme ?

Goldberger :
Je voulais rester discret. Je suis assez réservé et je veux que ça reste ainsi. Comme vous le savez, c’est la première fois que j’ouvre ma maison à une marque. Mon vrai nom est Auro Montanari. Auro en latin signifie “or”. Berger en allemand signifie “montagne”. Mon nom de famille est Montanari. C’est donc une combinaison des deux. Auro Montanari est Goldberger.

Henrik :
Vous êtes né et avez grandi à Bologne, en Italie. Que faisaient vos parents dans la vie ?

Goldberger :
Mon père a fondé une entreprise qui fabrique des composants électroniques. Nous nous sommes d’abord spécialisés dans la fabrication et la vente de consommables pour la réception de la télévision hors antenne. Ces dernières années, nous nous sommes orientés vers la fabrication de boîtiers pour des produits tels que l’iPhone, par exemple. Tout cela est très technique et très soigné. C’est toujours une entreprise familiale et je suis maintenant le directeur général de la société.

Mes parents étaient des collectionneurs d’art. Ils achetaient des meubles, des peintures du 17ème et 16ème siècle. La plupart du temps de l’art italien classique. Ils l’ont fait par pure passion et par intérêt pour la collection. Donc, quand j’étais petit, je voyageais beaucoup avec mes parents dans le monde entier pour visiter différentes expositions.

Henrik :
Et c’est cela qui a suscité votre intérêt pour la collection des montres ?

Goldberger :
Oui. Mon père a remarqué que je m’ennuyais pendant les expositions d’art, alors il m’a fait découvrir les montres. À l’époque, les montres étaient en général assez bon marché par rapport à l’art. Il a vu qu’il y avait un secteur inexploité qui non seulement me correspondrait mieux, mais qui me donnerait aussi l’occasion de commencer à collectionner moi-même.

J’ai donc commencé à visiter les marchés aux puces pendant que mes parents assistaient aux expositions. Et j’ai découvert des montres Rolex, Patek, Cartier à des prix très bas. Je veux dire vraiment bon marché. Et c’était vers dans les années 1970.

Henrik :
Avez-vous commencé à acheter ce qui vous plaisait ou avez-vous acheté par connaissance ?

Goldberger :
J’ai suivi deux choses : mon coeur et mon oeil. Les gens ont du mal à le comprendre et à le croire, mais c’était ma boussole quand j’ai commencé, et c’est encore aujourd’hui mon plus grand conseil aux personnes qui veulent commencer à collectionner des montres : investissez dans des pièces qui vous plaisent vraiment.

À cette époque, il n’y avait pas d’Internet. Il n’y avait pas beaucoup de livres sur les montres. Pas beaucoup d’informations sur les montres en général. Par conséquent, il est devenu naturel d’acheter par instinct. Car comment pouvais-je savoir ce que j’achetais alors qu’il n’y avait pratiquement aucune information ? C’est charmant quand on y pense. Mon père m’a cependant recommandé d’acheter les grandes marques, comme Rolex et Patek Philippe. Il m’a dit que je ne devais pas acheter chez Cartier parce que c’est pour les “coiffeurs”. Mais je n’ai pas suivi sa recommandation sur Cartier, parce que j’aime Cartier.

Encore du vin ?

Henrik :
Oui, s’il vous plaît. Sur ce point. Quelle est la meilleure expérience culinaire de votre vie?

Goldberger :
C’était quand j’étais au Japon. Un bon ami et collègue collectionneur de montres m’a emmené dans un restaurant de sushis très discret. Cela m’a époustouflé et c’est une expérience unique dans ma vie.

Henrik :
De quoi parliez-vous autour de la table à manger quand vous étiez enfant ?

Goldberger :
Il y avait beaucoup de discussions sur l’art. Différentes sortes d’art. Leur origines. Leur histoires. Je suis éternellement reconnaissant pour les leçons d’histoire que mes parents m’ont apprises. Cela m’a aidé à comprendre le monde et son histoire dans une perspective plus large.

Henrik :
Y avait-il des valeurs qui vous semblaient importantes pour votre famille qui vous ont suivi dès votre plus jeune âge ?

Goldberger :
Savoir ce que l’on achète, quoi que l’on achète. Même si vous achetez en fonction de vos goûts, sachez ce que vous achetez. Et c’était bien sûr difficile quand il n’y avait pas beaucoup d’informations à l’époque où j’ai commencé. Mais j’ai beaucoup appris par des marchés aux puces, des bibliothèques et des autres amateurs de montres.

Henrik :
Etiez-vous bon à l’école ?

Goldberger :
Pour être honnête, je n’y ai pas beaucoup prêté attention. Mais j’ai apprécié les sujets qui m’intéressaient de manière très approfondie.

Henrik :
Je comprends.

Goldberger :
Comme les mathématiques, la physique, la chimie.

Henrik :
Et l’histoire ?

Goldberger :
Je l’ai appris à la maison. Mais tu sais que les mathématiques et la physique jouent un rôle dans le monde des montres. J’aime comprendre comment les choses fonctionnent.

Henrik :
Quel était votre rêve en grandissant quand vous étiez enfant ?

Goldberger :
Devenir astronaute. Et j’étais vraiment fasciné par la science-fiction.

Henrik :
Quelle a été votre première montre et l’avez-vous toujours dans votre collection ?

Goldberger :
La première montre était un cadeau de mon père quand j’ai fait ma Confirmation à l’église catholique. J’ai fait ma confirmation en 1965 quand j’avais 8 ans. Mon père m’a donné une montre qui a été fabriquée en 1957 et qui est presque vintage. Et 1957  est l’année de ma naissance.

La deuxième montre a été offerte par mon père à l’occasion de mon 18e anniversaire. C’était une Pulsar venant de Tiffany. En acier. De New York.

Après cela, j’ai commencé à acheter pour moi-même. La première que je me suis achetée était un petit chronographe Rolex art déco fabriqué dans les années 40. Je l’ai acheté en 1978 chez un petit antiquaire à Bologne.

Je les ai toujours toutes dans ma collection.

Henrik :
Vous avez maintenant 63 ans. Si vous deviez décrire votre vie en décennies, à quoi cela ressemblerait-il ?

Goldberger :
Jusqu’à mes vingt ans, ma plus grande passion était la photographie. J’étais obsédé par cela. Mon père m’a donné un très bon appareil photo, un Leicaflex Hasselblad, un argentique. C’est l’outil qui a fait grandir ma passion pour la photographie.

À 22 ans, j’ai déménagé à Venice Beach en Californie pour étudier le graphisme. C’était une période très amusante, avec beaucoup de photographie et de basket. J’ai un jeune frère qui m’a rejoint dans mes aventures.

Quand j’ai approché la trentaine, j’étais très focalisé sur les montres en général et sur le design. Je me suis inscrit dans l’entreprise familiale pour m’occuper de tout ce qui concernait le design. La direction artistique des catalogues de produits, la publicité. L’image de marque. Le marketing. Tout ce qui est créatif.

Dans les années 30-40, je suis revenu vivre en Italie. Je me suis intéressé aux affaires de ma famille à un niveau plus poussé. C’était plutôt une période d’apprentissage où je me suis profondément impliqué dans l’entreprise.

Entre 40 et 50 ans, j’ai vécu une période de travail intense. J’ai réussi à consacrer quelques heures par jour à la lecture, au suivi et à l’apprentissage sur le sujet des montres, car c’est ma plus grande passion. Mais la majorité du temps était vraiment consacrée au travail.

Dans les années 50 à 60, je suis devenu le PDG de la société et j’ai commencé à apprécier voyager, à visiter les marchés aux puces, à assister aux ventes aux enchères dans le monde entier et à avoir un peu plus de temps pour les montres.

Henrik :
Avez-vous gagné votre vie en achetant et en vendant des montres ?

Goldberger :
Non, c’est purement par passion.

Henrik :
Mm. Oui. Réponse diplomatique. Vous avez l’une des collections de montres les plus rares au monde.

Goldberger :
C’est ce qu’on dit. Mais je le fais par pure passion. Mon travail et ma carrière se sont fait dans l’entreprise familiale.

Henrik :
Une montre de rêve ?

Goldberger :
Il y a en fait une montre qui n’a jamais été mise sur le marché. J’étais un grand fan d’un film de science-fiction intitulé “L’Odyssée de l’espace” de 1968. Et pour ce film, Hamilton a conçu une montre au design incurvé qu’ils n’ont réalisée qu’en six exemplaires. Mais elle n’a jamais été mise sur le marché. C’est une montre que j’aimerais vraiment avoir. L’original du film.

Henrik :
Y a-t-il une montre que vous regrettez d’avoir vendue ?

Goldberger :
A chaque fois. Chaque fois que je vends une montre, je suis un peu triste.

Henrik :
Qu’est-ce qui attire votre attention dans une montre ? Est-ce en général la rareté, le design, la provenance ou la technique ?

Goldberger :
La rareté et la qualité. Elle doit être réunir un bon mélange entre la beauté, la rareté et la qualité. Achetez quelque chose que vous aimez porter. C’est une passion. Ce n’est pas un investissement.

Henrik :
Votre collection et votre travail se sont concentrés sur certaines des pièces les plus importantes de marques comme Rolex, Cartier et Patek Philippe. Y a-t-il une marque en particulier à laquelle vous prêtez plus d’attention en ce moment ?

Goldberger :
Longines. C’était une société très importante pendant la première moitié du siècle dernier qui produisait des montres uniques pour l’armée, l’aviation, l’exploration, etc. Une bonne technique et un beau design. Une belle marque qui aujourd’hui passe un peu inaperçue.

Henrik :
Les montres à quartz – Qu’en pensez-vous ?

Goldberger :
Il y a certainement quelques montres intéressantes dans ce domaine. Surtout les premières montres de Seiko. La première de Bulova. Et de Pulsar. J’aime le design de ces montres de la fin des années 60.

Henrik :
Depuis la scène désormais emblématique de l’épisode des “Talking Watches” de Hodinkee, où vous avez ouvert avec désinvolture le fond du boîtier d’un Chronographe Rolex extrêmement rare avec un couteau à fromage, j’ai l’impression que vous avez une façon très détendue de regarder les pièces les plus exclusives de votre collection.

Goldberger :
Oui, bien sûr. Mais ne vous y trompez pas. J’ai ouvert des milliers et des milliers de montres dans ma vie, donc même si je suis détendue, je respecte beaucoup la montre, parce que je sais comment faire les yeux fermés.

Mais oui, à la fin de la journée, ce n’est qu’une montre. Même si j’aime les montres, vous devez vous rappeler que c’est une montre. C’est une chose. Même si elle est belle, rare et de grande qualité, c’est toujours un objet. Si vous êtes trop pris et trop tendu à propos des montres, vous enlevez tout d’abord le plaisir de la montre. Je pense que c’est assez central dans ma façon de voir les choses.

Henrik :
La plupart de vos montres semblent être vintage. Que pensez-vous des montres modernes et de l’état actuel de l’industrie ?

Goldberger :
Il y a quelques belles montres modernes. C’est certain.

Pour moi, le fabricant de montres modernes le plus incroyable est Richard Mille. Comme leurs montres sont très originales, elles ont leur propre identité et ne copient pas les autres. Elles sont complètes et ne font pas de compromis. Ils investissent beaucoup dans la recherche et le design, ce qui est passionnant à voir pour un amateur de montres. Les designs sont extrêmement avancés et exécutés avec minutie. Dans l’ensemble, c’est donc une montre très bien fabriquée. C’est une marque peut-être un peu chère, mais je l’adore.

Ma préférée parmi elles est la version Bubba Watson. C’est un Tourbillon avec un boîtier en magnésium. Elle est si légère qu’elle peut flotter sur l’eau.

Henrik :
En plus de vos montres impeccables, vous avez un excellent goût pour l’art et le style en général. Vous êtes passionné par les vêtements et les chaussures ?

Goldberger :
Oui, très. J’ai deux tailleurs que j’ai fréquentés la majorité du temps. Ensuite, je combine mon style avec des pièces vintage que je trouve partout. J’aime combiner des pièces décontractées avec des vêtements plus formels. Cela crée un beau contraste. Comme ceci. Un pantalon de laine, un polo, une veste et une paire de mocassins. C’est tout ce qu’il vous faut, n’est-ce pas ?

Henrik :
Un mélange de décontracté, de formel et de vintage.

Goldberger :
Oui, c’est une bonne façon de le dire.

Henrik :
Vous vendez surtout des montres aux enchères et pas tellement en privé. Comment cela se fait-il ?

Goldberger :
Oui, de manière générale. Il est très difficile de trouver des collectionneurs privés avec une telle ampleur. Je préfère la vente aux enchères parce que tout le monde a alors accès à la montre. C’est ouvert à tous, n’est-ce pas ? Je pense que cela a du sens.

Henrik :
Qu’est-ce qui a changé dans la communauté des collectionneurs de montres depuis que vous avez commencé et quelles sont vos prévisions pour les futurs collectionneurs ?

Goldberger :
Vous pouvez le décrire très simplement. Avant, l’industrie horlogère et sa communauté de collectionneurs étaient fermées. Aujourd’hui, elle est ouverte à tous.

Et la raison de loin la plus importante est l’Internet. Nous être reconnaissant pour cela.

Je prévois qu’à l’avenir, de plus en plus de jeunes collectionneurs émergeront, ce qui est passionnant à voir. Et surtout de partout dans le monde. Tout est devenu plus ouvert.

Henrik :
Y a-t-il une montre particulière dans votre collection que vous de pourrez jamais vendre ?

Goldberger :
J’aime toutes mes montres, mais bien sûr je suis très attaché à la première que j’ai reçu de mon père.

Henrik :
Un jeune collectionneur, que lui suggéreriez-vous pour commencer ?

Goldberger :
Concentrez-vous sur les montres-outils (tool watches). Les plongeuses. Les chronographes. Les montres créées entre les années 50 et 70. Commencez par cela pour apprendre et ensuite vous pourrez développer à partir de là.

Henrik :
Vous avez vendu une montre, surnommée “la licorne”, pour 6,5 MUSD et vous avez donné l’argent à une œuvre de charité. Cela en dit beaucoup sur vous.

Goldberger :
C’est une excellente oeuvre de charité. J’ai décidé avant la vente aux enchères que je donnerais l’argent.

Henrik :
Mm. Juste comme ça.

[Pendant 30 secondes, nous sommes silencieux. Je regarde Auro. Il me regarde sympathiquement. Il lève les yeux. J’essaie de comprendre ce qui guide cet homme derrière la surface. Il est personnel, mais réservé. Il est généreux, mais réservé. Quelles leçons de jeunesse ont sculpté cet homme en l’individu qu’il est aujourd’hui ? Quelles valeurs lui ont été inculquées quand il était enfant et qui ont fait de lui l’un des hommes les plus humbles que j’ai rencontrés] ?

Henrik :
Tu devrais être fier de toi, Auro. Je sais que tu continues à le cacher, mais tu devrais en tirer fierté.

Goldberger :
Merci. Merci. Je suis heureux que tu apprécies cela. Par ailleurs, la gratification dont nous avons parlé pour cette campagne : veuillez en faire don à l’œuvre de charité  de Morjas, The Shoe That Grows.

Henrik :
Vous êtes sérieux ?

Goldberger :
Oui Henrik. Regarde. J’ai tout ce dont j’ai besoin. On vient de finir un bon déjeuner, on a bu du bon vin et je suis en bonne santé. Que pourrais-je demander de plus ? Les enfants de ta cause en ont bien plus besoin que moi.

Henrik :
Merci Auro. Je sais que Kenton, qui est le fondateur de The Shoe That Grows, sera aux anges car de nombreuses organisations ont mis fin à leurs activités en raison de laCovid. Cela signifie beaucoup pour nous.

Goldberger :
Avec plaisir.

Auro lève les yeux. Il réfléchit. Il demande : “Comment ça se passe en Suède pendant l’été ?”

Henrik :
Incroyablement beau avec beaucoup de lumière. Quand la pandémie sera terminée, je vous inviterai en Suède avec Francesca et ce sera à notre tour de vous accueillir. D’accord ?

Goldberger :
J’adorerais ça. Je sais que ma femme sera très enthousiaste. Peut-être déjà cet été ?

Henrik :
Oui, je l’espère vraiment.

[Nous terminons la journée. Je retourne à l’hôtel, touché par le mode de vie d’Auro. Guidé par l’amour et la simplicité dans sa façon de voir les choses.  Quand les autres se compliquent la vie, Auro la simplifie. C’est un bon précepte de vie].

Notre campagne avec Goldberger a été tournée chez lui à Bologne, en Italie. Le photographe est Abraham Engelmark. La direction créative et le style sont de Goldberger et Henrik Berg.

Cette interview est menée conjointement par Henrik Berg (fondateur de Morjas) et Andreas Weinås. Lorsque j’ai su (Henrik) que j’allais interviewer l’homme qui en sait le plus sur les montres, j’ai dû améliorer mon jeu. J’ai donc pris mon téléphone et appelé mon ami Andreas, qui s’y connaît mieux que quiconque en horlogerie. Toutes les questions relatives aux montres sont d’Andreas. Merci, mon ami.

[iPhone buzzing. Nouveau message whatsapp d’Auro Montanari.]

“Lundi matin, nous pouvons commencer par un café à votre hôtel. Ensuite, nous pourrons déjeuner chez moi. Tout est fermé à Bologne.”

Mais commençons par le début. J’ai fait la connaissance de Goldberger à Milan au printemps 2019. J’étais en ville et j’ai rencontré Luca Rubinacci pour prendre un verre au couché du soleil, ce qui m’a ensuite conduit à un petit cocktail donné au magasin Fortela, la marque fondée par Alessandro Squarzi.

Alessandro, ombragé par des lunettes de soleil de Jacques Marie Mage, a salué les invités avec son grand sourire italien. À côté de lui se tenait un homme qui ressemblait à la fois à un méchant de James Bond, à un empereur des affaires et à un marchand de vêtements vintage. Chemise en denim délavé, veste en cuir vintage à la patine prononcée et aux épaules structurées. Accompagné d’un pantalon taille haute en laine mélangée à du marron. Complété par une paire de mocassins à glands marron foncé. Goldberger est plus grand que l’Italien moyen. Épaules larges. Taille de 190 cm. Avec des yeux qui remarquent les détails tel Jason Bourne. Cet homme remarque tout ce qui l’entoure. Vous vous rendez pas toujours compte qu’il remarque tout les détails. Mais c’est le cas. Des choses que les autres mettent quelques secondes à déceler, Goldberger les voit en une nanoseconde. C’est son don.

“Jolies épaules”, a-t-il dit en fumant. Il a pointé un doigt vers mes épaules. Ces dernières années, les épaules naturelles et la spalla camicia ont fait l’objet d’une véritable délire. Bien que je comprenne, ce n’est pas pour moi. Je veux que mes épaules soient bien structurées. Appelez-moi vieille école. Et apparemment, Auro Montanari alias John Goldberger aussi. C’est sur ce sujet que nous nous sommes rapprochés.

Quand j’ai rencontré Goldberger pour la première fois, je n’avais aucune idée de qui il était. Nous avons commencé à discuter de style, il m’a posé des questions sur Morjas, sur la façon dont je pouvais vivre en Suède pendant l’hiver et sur le fait qu’il s’intéressait vraiment aux montres et au vintage. On ne se douterait pas que c’est un homme qui est connu pour avoir la collection de montres la plus rare du monde. Les premiers traits de caractères qui vous viennent à l’esprit ? Humble. Réservé. Poli. Vif. Aimable. Confiant. Calme.

J’ai terminé la soirée en publiant une photo sur mon Instagram. Sur la photo : Luca Rubinacci, Alessandro Squarzi, Goldberger. Si je ne savais pas qui était Goldberger avant, j’étais sûr de le découvrir à cet instant. Des dizaines de messages d’amis ont afflué : “As-tu rencontré Goldberger… ?”, “GOLDBERGER ?”, “WTF !!”, “Nooooon”. Apparemment, j’avais rencontré la personne qui dans le monde des montres est ce que Cristiano Ronaldo est dans le monde du football.

Pour ma défense et ce que vous pouvez probablement vous dire à présent : Je ne suis pas un connaisseur de montres. Tout ce que je savais, c’est que c’est un homme que je voulais voir porter une paire de Morjas. Je ne savais pas que Goldberger n’avait jamais fait de campagne dans le domaine de la mode masculine. Son côté mystique et sa rareté créent une aura sexy. Oui, une aura sexy. Je veux le voir avec une paire de Morjas. Absolument.

Septembre 2020. Nous avions prévu de rendre visite à Goldberger chez lui à Bologne, mais nous avons décidé de reporter la visite en raison de la pandémie. Nous avons fixé une nouvelle date en novembre.

Lorsque le mois de novembre s’est présenté, j’ai repris contact avec Goldberger, qui était toujours très enthousiaste à l’idée de faire une séance photo. Oui, c’était le temps de Corona. Oui, dites-moi que je suis irresponsable. Oui, appelez-moi comme vous voulez. Mais quand des occasions comme celles-ci se présentent à moi dans la vie, je ne les laisserai pas passer pour rien au monde. Pandémie ou pas. Alors, avec mon fidèle compagnon et photographe Abraham Engelmark, je suis allé au centre de soins local, j’ai fait le test PCR, j’ai obtenu le résultat et je me suis ensuite rendu à Bologne, en Italie.

Nous nous avons réservés dans l’un des rares hôtels qui étaient ouverts. Une chose qui m’a frappé très tôt dans ma relation avec Auro, c’est sa prévenance. Au cours de notre voyage, il s’est régulièrement présenté à l’hôtel pour demander “Comment allez-vous ? Il nous a ensuite donné des informations sur la situation à Bologne et sur la façon dont il allait s’occuper de nous.

Rappel : les gens au grand cœur veulent vraiment ce qu’il y a de mieux pour vous. Peu importe qui ils sont. Ils comprennent qu’un véritable acte de bonne volonté en suscite toujours un autre.

Dimanche 22h48. Nouveau message de Goldberger : “Heureux que vous soyez bien arrivés. Bonne nuit, à demain à 8h30 à l’hôtel”.

Lundi 8h24. “Buongiornio Signora”. La voix italienne, profonde et claquante, est familière. De loin, j’entends Goldberger saluer la réceptionniste.

Un homme qui représente ce qu’est le cool. Des bottes chukka basses en daim brun. Pantalon de flanelle marron-gris. Pull en cachemire couleur chocolat. Une veste en tweed. Le tour porté sous une veste de campagne vintage de l’armée américaine. C’est ainsi que l’on travaille avec les contrastes pour créer un look décontracté, intemporel et surtout, cool.

Goldberger :
Ciao mes amis. Comment s’est passé le voyage ?

Henrik :
Très bien, merci. C’est bien d’être à Bologne et de changer d’air pendant quelques jours.

Goldberger :
Il fait froid en Suède maintenant ?

Henrik :
Toujours.

Goldberger :
C’est bon de  vous avoir ici alors. Au moins, vous pouvez voir un peu de soleil.  Pendant la matinée, j’ai visité quelques-unes de mes fournisseurs préférées. Comme vous le savez, tout est fermé, alors aujourd’hui, je vais préparer le déjeuner. Nous allons commencer par un café chez moi, puis nous prendrons quelques photos. Cela vous parait être un bon plan?

[Je prépare les chaussures. Goldberger sélectionne les tenues.
Oui, je sais. Vous voulez en savoir plus sur la maison de Goldberger, mais j’en resterai là. Il s’est déjà ouvert à nous plus que jamais et c’est un accès á son intimité et sa vie privée que je préfère ne pas exploiter. Tout ce que vous devez savoir, c’est que c’est WOW].

[Déjà lors de la première tenue, j’ai compris que c’est quelque chose qui va au-delà de ce que vous vivez habituellement. Le style de Goldberger est unique. C’est une combinaison d’élégance, de finesse et de décontraction. Et je ne veux pas interférer. Quand quelqu’un est bon dans ce qu’il fait et qu’il sait ce qu’il fait, on n’interfère pas. Laissez-les être et laissez-les créer de la magie. Tout l’habillage a été pensé et réalisé par Goldberger lui-même].

Goldberger:
“Tout va bien ? Heureux ? Super, allons déjeuner”.

Voir Goldberger dans la cuisine, c’est relaxant. Il ne fait jamais un geste qui soit précipité ou stressé. Son corps bouge et suit un rythme comme dans une danse.

“J’ai cette mozzarella qui est la meilleure que vous n’avez jamais goûtée. Tenez, goûtez.”

Oui. C’est la meilleure mozzarella que j’ai jamais goûtée.

Salade d’avocats et de tomates, mozzarella, gorgonzola, mortadelle, jambon de parme et saumon fumé.

“J’ai acheté ce saumon spécialement fumé parce que je voulais avoir votre avis. Vous venez de Suède et vous connaissez vraiment le saumon. C’est un ami qui fume le poisson d’une manière spéciale”.

Henrik :
C’est très bon. La fumée atténue le goût propre du poisson et le rend plus élégant.

Goldberger :
N’est-ce pas ? Je pense que c’est vraiment bon. Je suis heureux de vous le faire découvrir.
Vous aimez le vin ?

Henrik :
Bien sûr.

Goldberger :
Je vais ouvrir cette bouteille que j’ai achetée il y a quelques années. Vous verrez qu’elle est vraiment bonne.

[Pause. Comme vous l’avez peut-être déjà remarqué, Goldberger n’est pas votre hôte habituel. Tout ce qu’il fait, il le fait avec beaucoup de soin et d’amour derrière lui. Il s’est levé tôt pour aller chercher des provisions chez ses fournisseurs privilégiés. Il a acheté un saumon spécial juste parce qu’il voulait que nous le goûtions. Il ouvre une bouteille de pinot noir qui fait chanter Dionysos. Il aime vraiment prendre soin des gens qui l’entourent. C’est inspirant].

Henrik :
Abraham et moi ne savons pas quoi dire. Nous sommes incroyablement reconnaissants pour tout ce que vous avez faites, Auro. Merci.

Goldberger :
Avec plaisir, vraiment.

Henrik :
Pendant que nous profitons de ce déjeuner qui satisfait  l’âme, je vais enregistrer sur mon téléphone. D’accord ?

Goldberger :
Oui.

Henrik :
Beaucoup vous connaissent peut-être sous le nom de John Goldberger, mais ce n’est pas votre vrai nom. Pourquoi avez-vous choisi ce pseudonyme ?

Goldberger :
Je voulais rester discret. Je suis assez réservé et je veux que ça reste ainsi. Comme vous le savez, c’est la première fois que j’ouvre ma maison à une marque. Mon vrai nom est Auro Montanari. Auro en latin signifie “or”. Berger en allemand signifie “montagne”. Mon nom de famille est Montanari. C’est donc une combinaison des deux. Auro Montanari est Goldberger.

Henrik :
Vous êtes né et avez grandi à Bologne, en Italie. Que faisaient vos parents dans la vie ?

Goldberger :
Mon père a fondé une entreprise qui fabrique des composants électroniques. Nous nous sommes d’abord spécialisés dans la fabrication et la vente de consommables pour la réception de la télévision hors antenne. Ces dernières années, nous nous sommes orientés vers la fabrication de boîtiers pour des produits tels que l’iPhone, par exemple. Tout cela est très technique et très soigné. C’est toujours une entreprise familiale et je suis maintenant le directeur général de la société.

Mes parents étaient des collectionneurs d’art. Ils achetaient des meubles, des peintures du 17ème et 16ème siècle. La plupart du temps de l’art italien classique. Ils l’ont fait par pure passion et par intérêt pour la collection. Donc, quand j’étais petit, je voyageais beaucoup avec mes parents dans le monde entier pour visiter différentes expositions.

Henrik :
Et c’est cela qui a suscité votre intérêt pour la collection des montres ?

Goldberger :
Oui. Mon père a remarqué que je m’ennuyais pendant les expositions d’art, alors il m’a fait découvrir les montres. À l’époque, les montres étaient en général assez bon marché par rapport à l’art. Il a vu qu’il y avait un secteur inexploité qui non seulement me correspondrait mieux, mais qui me donnerait aussi l’occasion de commencer à collectionner moi-même.

J’ai donc commencé à visiter les marchés aux puces pendant que mes parents assistaient aux expositions. Et j’ai découvert des montres Rolex, Patek, Cartier à des prix très bas. Je veux dire vraiment bon marché. Et c’était vers dans les années 1970.

Henrik :
Avez-vous commencé à acheter ce qui vous plaisait ou avez-vous acheté par connaissance ?

Goldberger :
J’ai suivi deux choses : mon coeur et mon oeil. Les gens ont du mal à le comprendre et à le croire, mais c’était ma boussole quand j’ai commencé, et c’est encore aujourd’hui mon plus grand conseil aux personnes qui veulent commencer à collectionner des montres : investissez dans des pièces qui vous plaisent vraiment.

À cette époque, il n’y avait pas d’Internet. Il n’y avait pas beaucoup de livres sur les montres. Pas beaucoup d’informations sur les montres en général. Par conséquent, il est devenu naturel d’acheter par instinct. Car comment pouvais-je savoir ce que j’achetais alors qu’il n’y avait pratiquement aucune information ? C’est charmant quand on y pense. Mon père m’a cependant recommandé d’acheter les grandes marques, comme Rolex et Patek Philippe. Il m’a dit que je ne devais pas acheter chez Cartier parce que c’est pour les “coiffeurs”. Mais je n’ai pas suivi sa recommandation sur Cartier, parce que j’aime Cartier.

Encore du vin ?

Henrik :
Oui, s’il vous plaît. Sur ce point. Quelle est la meilleure expérience culinaire de votre vie?

Goldberger :
C’était quand j’étais au Japon. Un bon ami et collègue collectionneur de montres m’a emmené dans un restaurant de sushis très discret. Cela m’a époustouflé et c’est une expérience unique dans ma vie.

Henrik :
De quoi parliez-vous autour de la table à manger quand vous étiez enfant ?

Goldberger :
Il y avait beaucoup de discussions sur l’art. Différentes sortes d’art. Leur origines. Leur histoires. Je suis éternellement reconnaissant pour les leçons d’histoire que mes parents m’ont apprises. Cela m’a aidé à comprendre le monde et son histoire dans une perspective plus large.

Henrik :
Y avait-il des valeurs qui vous semblaient importantes pour votre famille qui vous ont suivi dès votre plus jeune âge ?

Goldberger :
Savoir ce que l’on achète, quoi que l’on achète. Même si vous achetez en fonction de vos goûts, sachez ce que vous achetez. Et c’était bien sûr difficile quand il n’y avait pas beaucoup d’informations à l’époque où j’ai commencé. Mais j’ai beaucoup appris par des marchés aux puces, des bibliothèques et des autres amateurs de montres.

Henrik :
Etiez-vous bon à l’école ?

Goldberger :
Pour être honnête, je n’y ai pas beaucoup prêté attention. Mais j’ai apprécié les sujets qui m’intéressaient de manière très approfondie.

Henrik :
Je comprends.

Goldberger :
Comme les mathématiques, la physique, la chimie.

Henrik :
Et l’histoire ?

Goldberger :
Je l’ai appris à la maison. Mais tu sais que les mathématiques et la physique jouent un rôle dans le monde des montres. J’aime comprendre comment les choses fonctionnent.

Henrik :
Quel était votre rêve en grandissant quand vous étiez enfant ?

Goldberger :
Devenir astronaute. Et j’étais vraiment fasciné par la science-fiction.

Henrik :
Quelle a été votre première montre et l’avez-vous toujours dans votre collection ?

Goldberger :
La première montre était un cadeau de mon père quand j’ai fait ma Confirmation à l’église catholique. J’ai fait ma confirmation en 1965 quand j’avais 8 ans. Mon père m’a donné une montre qui a été fabriquée en 1957 et qui est presque vintage. Et 1957  est l’année de ma naissance.

La deuxième montre a été offerte par mon père à l’occasion de mon 18e anniversaire. C’était une Pulsar venant de Tiffany. En acier. De New York.

Après cela, j’ai commencé à acheter pour moi-même. La première que je me suis achetée était un petit chronographe Rolex art déco fabriqué dans les années 40. Je l’ai acheté en 1978 chez un petit antiquaire à Bologne.

Je les ai toujours toutes dans ma collection.

Henrik :
Vous avez maintenant 63 ans. Si vous deviez décrire votre vie en décennies, à quoi cela ressemblerait-il ?

Goldberger :
Jusqu’à mes vingt ans, ma plus grande passion était la photographie. J’étais obsédé par cela. Mon père m’a donné un très bon appareil photo, un Leicaflex Hasselblad, un argentique. C’est l’outil qui a fait grandir ma passion pour la photographie.

À 22 ans, j’ai déménagé à Venice Beach en Californie pour étudier le graphisme. C’était une période très amusante, avec beaucoup de photographie et de basket. J’ai un jeune frère qui m’a rejoint dans mes aventures.

Quand j’ai approché la trentaine, j’étais très focalisé sur les montres en général et sur le design. Je me suis inscrit dans l’entreprise familiale pour m’occuper de tout ce qui concernait le design. La direction artistique des catalogues de produits, la publicité. L’image de marque. Le marketing. Tout ce qui est créatif.

Dans les années 30-40, je suis revenu vivre en Italie. Je me suis intéressé aux affaires de ma famille à un niveau plus poussé. C’était plutôt une période d’apprentissage où je me suis profondément impliqué dans l’entreprise.

Entre 40 et 50 ans, j’ai vécu une période de travail intense. J’ai réussi à consacrer quelques heures par jour à la lecture, au suivi et à l’apprentissage sur le sujet des montres, car c’est ma plus grande passion. Mais la majorité du temps était vraiment consacrée au travail.

Dans les années 50 à 60, je suis devenu le PDG de la société et j’ai commencé à apprécier voyager, à visiter les marchés aux puces, à assister aux ventes aux enchères dans le monde entier et à avoir un peu plus de temps pour les montres.

Henrik :
Avez-vous gagné votre vie en achetant et en vendant des montres ?

Goldberger :
Non, c’est purement par passion.

Henrik :
Mm. Oui. Réponse diplomatique. Vous avez l’une des collections de montres les plus rares au monde.

Goldberger :
C’est ce qu’on dit. Mais je le fais par pure passion. Mon travail et ma carrière se sont fait dans l’entreprise familiale.

Henrik :
Une montre de rêve ?

Goldberger :
Il y a en fait une montre qui n’a jamais été mise sur le marché. J’étais un grand fan d’un film de science-fiction intitulé “L’Odyssée de l’espace” de 1968. Et pour ce film, Hamilton a conçu une montre au design incurvé qu’ils n’ont réalisée qu’en six exemplaires. Mais elle n’a jamais été mise sur le marché. C’est une montre que j’aimerais vraiment avoir. L’original du film.

Henrik :
Y a-t-il une montre que vous regrettez d’avoir vendue ?

Goldberger :
A chaque fois. Chaque fois que je vends une montre, je suis un peu triste.

Henrik :
Qu’est-ce qui attire votre attention dans une montre ? Est-ce en général la rareté, le design, la provenance ou la technique ?

Goldberger :
La rareté et la qualité. Elle doit être réunir un bon mélange entre la beauté, la rareté et la qualité. Achetez quelque chose que vous aimez porter. C’est une passion. Ce n’est pas un investissement.

Henrik :
Votre collection et votre travail se sont concentrés sur certaines des pièces les plus importantes de marques comme Rolex, Cartier et Patek Philippe. Y a-t-il une marque en particulier à laquelle vous prêtez plus d’attention en ce moment ?

Goldberger :
Longines. C’était une société très importante pendant la première moitié du siècle dernier qui produisait des montres uniques pour l’armée, l’aviation, l’exploration, etc. Une bonne technique et un beau design. Une belle marque qui aujourd’hui passe un peu inaperçue.

Henrik :
Les montres à quartz – Qu’en pensez-vous ?

Goldberger :
Il y a certainement quelques montres intéressantes dans ce domaine. Surtout les premières montres de Seiko. La première de Bulova. Et de Pulsar. J’aime le design de ces montres de la fin des années 60.

Henrik :
Depuis la scène désormais emblématique de l’épisode des “Talking Watches” de Hodinkee, où vous avez ouvert avec désinvolture le fond du boîtier d’un Chronographe Rolex extrêmement rare avec un couteau à fromage, j’ai l’impression que vous avez une façon très détendue de regarder les pièces les plus exclusives de votre collection.

Goldberger :
Oui, bien sûr. Mais ne vous y trompez pas. J’ai ouvert des milliers et des milliers de montres dans ma vie, donc même si je suis détendue, je respecte beaucoup la montre, parce que je sais comment faire les yeux fermés.

Mais oui, à la fin de la journée, ce n’est qu’une montre. Même si j’aime les montres, vous devez vous rappeler que c’est une montre. C’est une chose. Même si elle est belle, rare et de grande qualité, c’est toujours un objet. Si vous êtes trop pris et trop tendu à propos des montres, vous enlevez tout d’abord le plaisir de la montre. Je pense que c’est assez central dans ma façon de voir les choses.

Henrik :
La plupart de vos montres semblent être vintage. Que pensez-vous des montres modernes et de l’état actuel de l’industrie ?

Goldberger :
Il y a quelques belles montres modernes. C’est certain.

Pour moi, le fabricant de montres modernes le plus incroyable est Richard Mille. Comme leurs montres sont très originales, elles ont leur propre identité et ne copient pas les autres. Elles sont complètes et ne font pas de compromis. Ils investissent beaucoup dans la recherche et le design, ce qui est passionnant à voir pour un amateur de montres. Les designs sont extrêmement avancés et exécutés avec minutie. Dans l’ensemble, c’est donc une montre très bien fabriquée. C’est une marque peut-être un peu chère, mais je l’adore.

Ma préférée parmi elles est la version Bubba Watson. C’est un Tourbillon avec un boîtier en magnésium. Elle est si légère qu’elle peut flotter sur l’eau.

Henrik :
En plus de vos montres impeccables, vous avez un excellent goût pour l’art et le style en général. Vous êtes passionné par les vêtements et les chaussures ?

Goldberger :
Oui, très. J’ai deux tailleurs que j’ai fréquentés la majorité du temps. Ensuite, je combine mon style avec des pièces vintage que je trouve partout. J’aime combiner des pièces décontractées avec des vêtements plus formels. Cela crée un beau contraste. Comme ceci. Un pantalon de laine, un polo, une veste et une paire de mocassins. C’est tout ce qu’il vous faut, n’est-ce pas ?

Henrik :
Un mélange de décontracté, de formel et de vintage.

Goldberger :
Oui, c’est une bonne façon de le dire.

Henrik :
Vous vendez surtout des montres aux enchères et pas tellement en privé. Comment cela se fait-il ?

Goldberger :
Oui, de manière générale. Il est très difficile de trouver des collectionneurs privés avec une telle ampleur. Je préfère la vente aux enchères parce que tout le monde a alors accès à la montre. C’est ouvert à tous, n’est-ce pas ? Je pense que cela a du sens.

Henrik :
Qu’est-ce qui a changé dans la communauté des collectionneurs de montres depuis que vous avez commencé et quelles sont vos prévisions pour les futurs collectionneurs ?

Goldberger :
Vous pouvez le décrire très simplement. Avant, l’industrie horlogère et sa communauté de collectionneurs étaient fermées. Aujourd’hui, elle est ouverte à tous.

Et la raison de loin la plus importante est l’Internet. Nous être reconnaissant pour cela.

Je prévois qu’à l’avenir, de plus en plus de jeunes collectionneurs émergeront, ce qui est passionnant à voir. Et surtout de partout dans le monde. Tout est devenu plus ouvert.

Henrik :
Y a-t-il une montre particulière dans votre collection que vous de pourrez jamais vendre ?

Goldberger :
J’aime toutes mes montres, mais bien sûr je suis très attaché à la première que j’ai reçu de mon père.

Henrik :
Un jeune collectionneur, que lui suggéreriez-vous pour commencer ?

Goldberger :
Concentrez-vous sur les montres-outils (tool watches). Les plongeuses. Les chronographes. Les montres créées entre les années 50 et 70. Commencez par cela pour apprendre et ensuite vous pourrez développer à partir de là.

Henrik :
Vous avez vendu une montre, surnommée “la licorne”, pour 6,5 MUSD et vous avez donné l’argent à une œuvre de charité. Cela en dit beaucoup sur vous.

Goldberger :
C’est une excellente oeuvre de charité. J’ai décidé avant la vente aux enchères que je donnerais l’argent.

Henrik :
Mm. Juste comme ça.

[Pendant 30 secondes, nous sommes silencieux. Je regarde Auro. Il me regarde sympathiquement. Il lève les yeux. J’essaie de comprendre ce qui guide cet homme derrière la surface. Il est personnel, mais réservé. Il est généreux, mais réservé. Quelles leçons de jeunesse ont sculpté cet homme en l’individu qu’il est aujourd’hui ? Quelles valeurs lui ont été inculquées quand il était enfant et qui ont fait de lui l’un des hommes les plus humbles que j’ai rencontrés] ?

Henrik :
Tu devrais être fier de toi, Auro. Je sais que tu continues à le cacher, mais tu devrais en tirer fierté.

Goldberger :
Merci. Merci. Je suis heureux que tu apprécies cela. Par ailleurs, la gratification dont nous avons parlé pour cette campagne : veuillez en faire don à l’œuvre de charité  de Morjas, The Shoe That Grows.

Henrik :
Vous êtes sérieux ?

Goldberger :
Oui Henrik. Regarde. J’ai tout ce dont j’ai besoin. On vient de finir un bon déjeuner, on a bu du bon vin et je suis en bonne santé. Que pourrais-je demander de plus ? Les enfants de ta cause en ont bien plus besoin que moi.

Henrik :
Merci Auro. Je sais que Kenton, qui est le fondateur de The Shoe That Grows, sera aux anges car de nombreuses organisations ont mis fin à leurs activités en raison de laCovid. Cela signifie beaucoup pour nous.

Goldberger :
Avec plaisir.

Auro lève les yeux. Il réfléchit. Il demande : “Comment ça se passe en Suède pendant l’été ?”

Henrik :
Incroyablement beau avec beaucoup de lumière. Quand la pandémie sera terminée, je vous inviterai en Suède avec Francesca et ce sera à notre tour de vous accueillir. D’accord ?

Goldberger :
J’adorerais ça. Je sais que ma femme sera très enthousiaste. Peut-être déjà cet été ?

Henrik :
Oui, je l’espère vraiment.

[Nous terminons la journée. Je retourne à l’hôtel, touché par le mode de vie d’Auro. Guidé par l’amour et la simplicité dans sa façon de voir les choses.  Quand les autres se compliquent la vie, Auro la simplifie. C’est un bon précepte de vie].

Notre campagne avec Goldberger a été tournée chez lui à Bologne, en Italie. Le photographe est Abraham Engelmark. La direction créative et le style sont de Goldberger et Henrik Berg.

Cette interview est menée conjointement par Henrik Berg (fondateur de Morjas) et Andreas Weinås. Lorsque j’ai su (Henrik) que j’allais interviewer l’homme qui en sait le plus sur les montres, j’ai dû améliorer mon jeu. J’ai donc pris mon téléphone et appelé mon ami Andreas, qui s’y connaît mieux que quiconque en horlogerie. Toutes les questions relatives aux montres sont d’Andreas. Merci, mon ami.

[iPhone buzzing. Nouveau message whatsapp d’Auro Montanari.]

“Lundi matin, nous pouvons commencer par un café à votre hôtel. Ensuite, nous pourrons déjeuner chez moi. Tout est fermé à Bologne.”

Mais commençons par le début. J’ai fait la connaissance de Goldberger à Milan au printemps 2019. J’étais en ville et j’ai rencontré Luca Rubinacci pour prendre un verre au couché du soleil, ce qui m’a ensuite conduit à un petit cocktail donné au magasin Fortela, la marque fondée par Alessandro Squarzi.

Alessandro, ombragé par des lunettes de soleil de Jacques Marie Mage, a salué les invités avec son grand sourire italien. À côté de lui se tenait un homme qui ressemblait à la fois à un méchant de James Bond, à un empereur des affaires et à un marchand de vêtements vintage. Chemise en denim délavé, veste en cuir vintage à la patine prononcée et aux épaules structurées. Accompagné d’un pantalon taille haute en laine mélangée à du marron. Complété par une paire de mocassins à glands marron foncé. Goldberger est plus grand que l’Italien moyen. Épaules larges. Taille de 190 cm. Avec des yeux qui remarquent les détails tel Jason Bourne. Cet homme remarque tout ce qui l’entoure. Vous vous rendez pas toujours compte qu’il remarque tout les détails. Mais c’est le cas. Des choses que les autres mettent quelques secondes à déceler, Goldberger les voit en une nanoseconde. C’est son don.

“Jolies épaules”, a-t-il dit en fumant. Il a pointé un doigt vers mes épaules. Ces dernières années, les épaules naturelles et la spalla camicia ont fait l’objet d’une véritable délire. Bien que je comprenne, ce n’est pas pour moi. Je veux que mes épaules soient bien structurées. Appelez-moi vieille école. Et apparemment, Auro Montanari alias John Goldberger aussi. C’est sur ce sujet que nous nous sommes rapprochés.

Quand j’ai rencontré Goldberger pour la première fois, je n’avais aucune idée de qui il était. Nous avons commencé à discuter de style, il m’a posé des questions sur Morjas, sur la façon dont je pouvais vivre en Suède pendant l’hiver et sur le fait qu’il s’intéressait vraiment aux montres et au vintage. On ne se douterait pas que c’est un homme qui est connu pour avoir la collection de montres la plus rare du monde. Les premiers traits de caractères qui vous viennent à l’esprit ? Humble. Réservé. Poli. Vif. Aimable. Confiant. Calme.

J’ai terminé la soirée en publiant une photo sur mon Instagram. Sur la photo : Luca Rubinacci, Alessandro Squarzi, Goldberger. Si je ne savais pas qui était Goldberger avant, j’étais sûr de le découvrir à cet instant. Des dizaines de messages d’amis ont afflué : “As-tu rencontré Goldberger… ?”, “GOLDBERGER ?”, “WTF !!”, “Nooooon”. Apparemment, j’avais rencontré la personne qui dans le monde des montres est ce que Cristiano Ronaldo est dans le monde du football.

Pour ma défense et ce que vous pouvez probablement vous dire à présent : Je ne suis pas un connaisseur de montres. Tout ce que je savais, c’est que c’est un homme que je voulais voir porter une paire de Morjas. Je ne savais pas que Goldberger n’avait jamais fait de campagne dans le domaine de la mode masculine. Son côté mystique et sa rareté créent une aura sexy. Oui, une aura sexy. Je veux le voir avec une paire de Morjas. Absolument.

Septembre 2020. Nous avions prévu de rendre visite à Goldberger chez lui à Bologne, mais nous avons décidé de reporter la visite en raison de la pandémie. Nous avons fixé une nouvelle date en novembre.

Lorsque le mois de novembre s’est présenté, j’ai repris contact avec Goldberger, qui était toujours très enthousiaste à l’idée de faire une séance photo. Oui, c’était le temps de Corona. Oui, dites-moi que je suis irresponsable. Oui, appelez-moi comme vous voulez. Mais quand des occasions comme celles-ci se présentent à moi dans la vie, je ne les laisserai pas passer pour rien au monde. Pandémie ou pas. Alors, avec mon fidèle compagnon et photographe Abraham Engelmark, je suis allé au centre de soins local, j’ai fait le test PCR, j’ai obtenu le résultat et je me suis ensuite rendu à Bologne, en Italie.

Nous nous avons réservés dans l’un des rares hôtels qui étaient ouverts. Une chose qui m’a frappé très tôt dans ma relation avec Auro, c’est sa prévenance. Au cours de notre voyage, il s’est régulièrement présenté à l’hôtel pour demander “Comment allez-vous ? Il nous a ensuite donné des informations sur la situation à Bologne et sur la façon dont il allait s’occuper de nous.

Rappel : les gens au grand cœur veulent vraiment ce qu’il y a de mieux pour vous. Peu importe qui ils sont. Ils comprennent qu’un véritable acte de bonne volonté en suscite toujours un autre.

Dimanche 22h48. Nouveau message de Goldberger : “Heureux que vous soyez bien arrivés. Bonne nuit, à demain à 8h30 à l’hôtel”.

Lundi 8h24. “Buongiornio Signora”. La voix italienne, profonde et claquante, est familière. De loin, j’entends Goldberger saluer la réceptionniste.

Un homme qui représente ce qu’est le cool. Des bottes chukka basses en daim brun. Pantalon de flanelle marron-gris. Pull en cachemire couleur chocolat. Une veste en tweed. Le tour porté sous une veste de campagne vintage de l’armée américaine. C’est ainsi que l’on travaille avec les contrastes pour créer un look décontracté, intemporel et surtout, cool.

Goldberger :
Ciao mes amis. Comment s’est passé le voyage ?

Henrik :
Très bien, merci. C’est bien d’être à Bologne et de changer d’air pendant quelques jours.

Goldberger :
Il fait froid en Suède maintenant ?

Henrik :
Toujours.

Goldberger :
C’est bon de  vous avoir ici alors. Au moins, vous pouvez voir un peu de soleil.  Pendant la matinée, j’ai visité quelques-unes de mes fournisseurs préférées. Comme vous le savez, tout est fermé, alors aujourd’hui, je vais préparer le déjeuner. Nous allons commencer par un café chez moi, puis nous prendrons quelques photos. Cela vous parait être un bon plan?

[Je prépare les chaussures. Goldberger sélectionne les tenues.
Oui, je sais. Vous voulez en savoir plus sur la maison de Goldberger, mais j’en resterai là. Il s’est déjà ouvert à nous plus que jamais et c’est un accès á son intimité et sa vie privée que je préfère ne pas exploiter. Tout ce que vous devez savoir, c’est que c’est WOW].

[Déjà lors de la première tenue, j’ai compris que c’est quelque chose qui va au-delà de ce que vous vivez habituellement. Le style de Goldberger est unique. C’est une combinaison d’élégance, de finesse et de décontraction. Et je ne veux pas interférer. Quand quelqu’un est bon dans ce qu’il fait et qu’il sait ce qu’il fait, on n’interfère pas. Laissez-les être et laissez-les créer de la magie. Tout l’habillage a été pensé et réalisé par Goldberger lui-même].

Goldberger:
“Tout va bien ? Heureux ? Super, allons déjeuner”.

Voir Goldberger dans la cuisine, c’est relaxant. Il ne fait jamais un geste qui soit précipité ou stressé. Son corps bouge et suit un rythme comme dans une danse.

“J’ai cette mozzarella qui est la meilleure que vous n’avez jamais goûtée. Tenez, goûtez.”

Oui. C’est la meilleure mozzarella que j’ai jamais goûtée.

Salade d’avocats et de tomates, mozzarella, gorgonzola, mortadelle, jambon de parme et saumon fumé.

“J’ai acheté ce saumon spécialement fumé parce que je voulais avoir votre avis. Vous venez de Suède et vous connaissez vraiment le saumon. C’est un ami qui fume le poisson d’une manière spéciale”.

Henrik :
C’est très bon. La fumée atténue le goût propre du poisson et le rend plus élégant.

Goldberger :
N’est-ce pas ? Je pense que c’est vraiment bon. Je suis heureux de vous le faire découvrir.
Vous aimez le vin ?

Henrik :
Bien sûr.

Goldberger :
Je vais ouvrir cette bouteille que j’ai achetée il y a quelques années. Vous verrez qu’elle est vraiment bonne.

[Pause. Comme vous l’avez peut-être déjà remarqué, Goldberger n’est pas votre hôte habituel. Tout ce qu’il fait, il le fait avec beaucoup de soin et d’amour derrière lui. Il s’est levé tôt pour aller chercher des provisions chez ses fournisseurs privilégiés. Il a acheté un saumon spécial juste parce qu’il voulait que nous le goûtions. Il ouvre une bouteille de pinot noir qui fait chanter Dionysos. Il aime vraiment prendre soin des gens qui l’entourent. C’est inspirant].

Henrik :
Abraham et moi ne savons pas quoi dire. Nous sommes incroyablement reconnaissants pour tout ce que vous avez faites, Auro. Merci.

Goldberger :
Avec plaisir, vraiment.

Henrik :
Pendant que nous profitons de ce déjeuner qui satisfait  l’âme, je vais enregistrer sur mon téléphone. D’accord ?

Goldberger :
Oui.

Henrik :
Beaucoup vous connaissent peut-être sous le nom de John Goldberger, mais ce n’est pas votre vrai nom. Pourquoi avez-vous choisi ce pseudonyme ?

Goldberger :
Je voulais rester discret. Je suis assez réservé et je veux que ça reste ainsi. Comme vous le savez, c’est la première fois que j’ouvre ma maison à une marque. Mon vrai nom est Auro Montanari. Auro en latin signifie “or”. Berger en allemand signifie “montagne”. Mon nom de famille est Montanari. C’est donc une combinaison des deux. Auro Montanari est Goldberger.

Henrik :
Vous êtes né et avez grandi à Bologne, en Italie. Que faisaient vos parents dans la vie ?

Goldberger :
Mon père a fondé une entreprise qui fabrique des composants électroniques. Nous nous sommes d’abord spécialisés dans la fabrication et la vente de consommables pour la réception de la télévision hors antenne. Ces dernières années, nous nous sommes orientés vers la fabrication de boîtiers pour des produits tels que l’iPhone, par exemple. Tout cela est très technique et très soigné. C’est toujours une entreprise familiale et je suis maintenant le directeur général de la société.

Mes parents étaient des collectionneurs d’art. Ils achetaient des meubles, des peintures du 17ème et 16ème siècle. La plupart du temps de l’art italien classique. Ils l’ont fait par pure passion et par intérêt pour la collection. Donc, quand j’étais petit, je voyageais beaucoup avec mes parents dans le monde entier pour visiter différentes expositions.

Henrik :
Et c’est cela qui a suscité votre intérêt pour la collection des montres ?

Goldberger :
Oui. Mon père a remarqué que je m’ennuyais pendant les expositions d’art, alors il m’a fait découvrir les montres. À l’époque, les montres étaient en général assez bon marché par rapport à l’art. Il a vu qu’il y avait un secteur inexploité qui non seulement me correspondrait mieux, mais qui me donnerait aussi l’occasion de commencer à collectionner moi-même.

J’ai donc commencé à visiter les marchés aux puces pendant que mes parents assistaient aux expositions. Et j’ai découvert des montres Rolex, Patek, Cartier à des prix très bas. Je veux dire vraiment bon marché. Et c’était vers dans les années 1970.

Henrik :
Avez-vous commencé à acheter ce qui vous plaisait ou avez-vous acheté par connaissance ?

Goldberger :
J’ai suivi deux choses : mon coeur et mon oeil. Les gens ont du mal à le comprendre et à le croire, mais c’était ma boussole quand j’ai commencé, et c’est encore aujourd’hui mon plus grand conseil aux personnes qui veulent commencer à collectionner des montres : investissez dans des pièces qui vous plaisent vraiment.

À cette époque, il n’y avait pas d’Internet. Il n’y avait pas beaucoup de livres sur les montres. Pas beaucoup d’informations sur les montres en général. Par conséquent, il est devenu naturel d’acheter par instinct. Car comment pouvais-je savoir ce que j’achetais alors qu’il n’y avait pratiquement aucune information ? C’est charmant quand on y pense. Mon père m’a cependant recommandé d’acheter les grandes marques, comme Rolex et Patek Philippe. Il m’a dit que je ne devais pas acheter chez Cartier parce que c’est pour les “coiffeurs”. Mais je n’ai pas suivi sa recommandation sur Cartier, parce que j’aime Cartier.

Encore du vin ?

Henrik :
Oui, s’il vous plaît. Sur ce point. Quelle est la meilleure expérience culinaire de votre vie?

Goldberger :
C’était quand j’étais au Japon. Un bon ami et collègue collectionneur de montres m’a emmené dans un restaurant de sushis très discret. Cela m’a époustouflé et c’est une expérience unique dans ma vie.

Henrik :
De quoi parliez-vous autour de la table à manger quand vous étiez enfant ?

Goldberger :
Il y avait beaucoup de discussions sur l’art. Différentes sortes d’art. Leur origines. Leur histoires. Je suis éternellement reconnaissant pour les leçons d’histoire que mes parents m’ont apprises. Cela m’a aidé à comprendre le monde et son histoire dans une perspective plus large.

Henrik :
Y avait-il des valeurs qui vous semblaient importantes pour votre famille qui vous ont suivi dès votre plus jeune âge ?

Goldberger :
Savoir ce que l’on achète, quoi que l’on achète. Même si vous achetez en fonction de vos goûts, sachez ce que vous achetez. Et c’était bien sûr difficile quand il n’y avait pas beaucoup d’informations à l’époque où j’ai commencé. Mais j’ai beaucoup appris par des marchés aux puces, des bibliothèques et des autres amateurs de montres.

Henrik :
Etiez-vous bon à l’école ?

Goldberger :
Pour être honnête, je n’y ai pas beaucoup prêté attention. Mais j’ai apprécié les sujets qui m’intéressaient de manière très approfondie.

Henrik :
Je comprends.

Goldberger :
Comme les mathématiques, la physique, la chimie.

Henrik :
Et l’histoire ?

Goldberger :
Je l’ai appris à la maison. Mais tu sais que les mathématiques et la physique jouent un rôle dans le monde des montres. J’aime comprendre comment les choses fonctionnent.

Henrik :
Quel était votre rêve en grandissant quand vous étiez enfant ?

Goldberger :
Devenir astronaute. Et j’étais vraiment fasciné par la science-fiction.

Henrik :
Quelle a été votre première montre et l’avez-vous toujours dans votre collection ?

Goldberger :
La première montre était un cadeau de mon père quand j’ai fait ma Confirmation à l’église catholique. J’ai fait ma confirmation en 1965 quand j’avais 8 ans. Mon père m’a donné une montre qui a été fabriquée en 1957 et qui est presque vintage. Et 1957  est l’année de ma naissance.

La deuxième montre a été offerte par mon père à l’occasion de mon 18e anniversaire. C’était une Pulsar venant de Tiffany. En acier. De New York.

Après cela, j’ai commencé à acheter pour moi-même. La première que je me suis achetée était un petit chronographe Rolex art déco fabriqué dans les années 40. Je l’ai acheté en 1978 chez un petit antiquaire à Bologne.

Je les ai toujours toutes dans ma collection.

Henrik :
Vous avez maintenant 63 ans. Si vous deviez décrire votre vie en décennies, à quoi cela ressemblerait-il ?

Goldberger :
Jusqu’à mes vingt ans, ma plus grande passion était la photographie. J’étais obsédé par cela. Mon père m’a donné un très bon appareil photo, un Leicaflex Hasselblad, un argentique. C’est l’outil qui a fait grandir ma passion pour la photographie.

À 22 ans, j’ai déménagé à Venice Beach en Californie pour étudier le graphisme. C’était une période très amusante, avec beaucoup de photographie et de basket. J’ai un jeune frère qui m’a rejoint dans mes aventures.

Quand j’ai approché la trentaine, j’étais très focalisé sur les montres en général et sur le design. Je me suis inscrit dans l’entreprise familiale pour m’occuper de tout ce qui concernait le design. La direction artistique des catalogues de produits, la publicité. L’image de marque. Le marketing. Tout ce qui est créatif.

Dans les années 30-40, je suis revenu vivre en Italie. Je me suis intéressé aux affaires de ma famille à un niveau plus poussé. C’était plutôt une période d’apprentissage où je me suis profondément impliqué dans l’entreprise.

Entre 40 et 50 ans, j’ai vécu une période de travail intense. J’ai réussi à consacrer quelques heures par jour à la lecture, au suivi et à l’apprentissage sur le sujet des montres, car c’est ma plus grande passion. Mais la majorité du temps était vraiment consacrée au travail.

Dans les années 50 à 60, je suis devenu le PDG de la société et j’ai commencé à apprécier voyager, à visiter les marchés aux puces, à assister aux ventes aux enchères dans le monde entier et à avoir un peu plus de temps pour les montres.

Henrik :
Avez-vous gagné votre vie en achetant et en vendant des montres ?

Goldberger :
Non, c’est purement par passion.

Henrik :
Mm. Oui. Réponse diplomatique. Vous avez l’une des collections de montres les plus rares au monde.

Goldberger :
C’est ce qu’on dit. Mais je le fais par pure passion. Mon travail et ma carrière se sont fait dans l’entreprise familiale.

Henrik :
Une montre de rêve ?

Goldberger :
Il y a en fait une montre qui n’a jamais été mise sur le marché. J’étais un grand fan d’un film de science-fiction intitulé “L’Odyssée de l’espace” de 1968. Et pour ce film, Hamilton a conçu une montre au design incurvé qu’ils n’ont réalisée qu’en six exemplaires. Mais elle n’a jamais été mise sur le marché. C’est une montre que j’aimerais vraiment avoir. L’original du film.

Henrik :
Y a-t-il une montre que vous regrettez d’avoir vendue ?

Goldberger :
A chaque fois. Chaque fois que je vends une montre, je suis un peu triste.

Henrik :
Qu’est-ce qui attire votre attention dans une montre ? Est-ce en général la rareté, le design, la provenance ou la technique ?

Goldberger :
La rareté et la qualité. Elle doit être réunir un bon mélange entre la beauté, la rareté et la qualité. Achetez quelque chose que vous aimez porter. C’est une passion. Ce n’est pas un investissement.

Henrik :
Votre collection et votre travail se sont concentrés sur certaines des pièces les plus importantes de marques comme Rolex, Cartier et Patek Philippe. Y a-t-il une marque en particulier à laquelle vous prêtez plus d’attention en ce moment ?

Goldberger :
Longines. C’était une société très importante pendant la première moitié du siècle dernier qui produisait des montres uniques pour l’armée, l’aviation, l’exploration, etc. Une bonne technique et un beau design. Une belle marque qui aujourd’hui passe un peu inaperçue.

Henrik :
Les montres à quartz – Qu’en pensez-vous ?

Goldberger :
Il y a certainement quelques montres intéressantes dans ce domaine. Surtout les premières montres de Seiko. La première de Bulova. Et de Pulsar. J’aime le design de ces montres de la fin des années 60.

Henrik :
Depuis la scène désormais emblématique de l’épisode des “Talking Watches” de Hodinkee, où vous avez ouvert avec désinvolture le fond du boîtier d’un Chronographe Rolex extrêmement rare avec un couteau à fromage, j’ai l’impression que vous avez une façon très détendue de regarder les pièces les plus exclusives de votre collection.

Goldberger :
Oui, bien sûr. Mais ne vous y trompez pas. J’ai ouvert des milliers et des milliers de montres dans ma vie, donc même si je suis détendue, je respecte beaucoup la montre, parce que je sais comment faire les yeux fermés.

Mais oui, à la fin de la journée, ce n’est qu’une montre. Même si j’aime les montres, vous devez vous rappeler que c’est une montre. C’est une chose. Même si elle est belle, rare et de grande qualité, c’est toujours un objet. Si vous êtes trop pris et trop tendu à propos des montres, vous enlevez tout d’abord le plaisir de la montre. Je pense que c’est assez central dans ma façon de voir les choses.

Henrik :
La plupart de vos montres semblent être vintage. Que pensez-vous des montres modernes et de l’état actuel de l’industrie ?

Goldberger :
Il y a quelques belles montres modernes. C’est certain.

Pour moi, le fabricant de montres modernes le plus incroyable est Richard Mille. Comme leurs montres sont très originales, elles ont leur propre identité et ne copient pas les autres. Elles sont complètes et ne font pas de compromis. Ils investissent beaucoup dans la recherche et le design, ce qui est passionnant à voir pour un amateur de montres. Les designs sont extrêmement avancés et exécutés avec minutie. Dans l’ensemble, c’est donc une montre très bien fabriquée. C’est une marque peut-être un peu chère, mais je l’adore.

Ma préférée parmi elles est la version Bubba Watson. C’est un Tourbillon avec un boîtier en magnésium. Elle est si légère qu’elle peut flotter sur l’eau.

Henrik :
En plus de vos montres impeccables, vous avez un excellent goût pour l’art et le style en général. Vous êtes passionné par les vêtements et les chaussures ?

Goldberger :
Oui, très. J’ai deux tailleurs que j’ai fréquentés la majorité du temps. Ensuite, je combine mon style avec des pièces vintage que je trouve partout. J’aime combiner des pièces décontractées avec des vêtements plus formels. Cela crée un beau contraste. Comme ceci. Un pantalon de laine, un polo, une veste et une paire de mocassins. C’est tout ce qu’il vous faut, n’est-ce pas ?

Henrik :
Un mélange de décontracté, de formel et de vintage.

Goldberger :
Oui, c’est une bonne façon de le dire.

Henrik :
Vous vendez surtout des montres aux enchères et pas tellement en privé. Comment cela se fait-il ?

Goldberger :
Oui, de manière générale. Il est très difficile de trouver des collectionneurs privés avec une telle ampleur. Je préfère la vente aux enchères parce que tout le monde a alors accès à la montre. C’est ouvert à tous, n’est-ce pas ? Je pense que cela a du sens.

Henrik :
Qu’est-ce qui a changé dans la communauté des collectionneurs de montres depuis que vous avez commencé et quelles sont vos prévisions pour les futurs collectionneurs ?

Goldberger :
Vous pouvez le décrire très simplement. Avant, l’industrie horlogère et sa communauté de collectionneurs étaient fermées. Aujourd’hui, elle est ouverte à tous.

Et la raison de loin la plus importante est l’Internet. Nous être reconnaissant pour cela.

Je prévois qu’à l’avenir, de plus en plus de jeunes collectionneurs émergeront, ce qui est passionnant à voir. Et surtout de partout dans le monde. Tout est devenu plus ouvert.

Henrik :
Y a-t-il une montre particulière dans votre collection que vous de pourrez jamais vendre ?

Goldberger :
J’aime toutes mes montres, mais bien sûr je suis très attaché à la première que j’ai reçu de mon père.

Henrik :
Un jeune collectionneur, que lui suggéreriez-vous pour commencer ?

Goldberger :
Concentrez-vous sur les montres-outils (tool watches). Les plongeuses. Les chronographes. Les montres créées entre les années 50 et 70. Commencez par cela pour apprendre et ensuite vous pourrez développer à partir de là.

Henrik :
Vous avez vendu une montre, surnommée “la licorne”, pour 6,5 MUSD et vous avez donné l’argent à une œuvre de charité. Cela en dit beaucoup sur vous.

Goldberger :
C’est une excellente oeuvre de charité. J’ai décidé avant la vente aux enchères que je donnerais l’argent.

Henrik :
Mm. Juste comme ça.

[Pendant 30 secondes, nous sommes silencieux. Je regarde Auro. Il me regarde sympathiquement. Il lève les yeux. J’essaie de comprendre ce qui guide cet homme derrière la surface. Il est personnel, mais réservé. Il est généreux, mais réservé. Quelles leçons de jeunesse ont sculpté cet homme en l’individu qu’il est aujourd’hui ? Quelles valeurs lui ont été inculquées quand il était enfant et qui ont fait de lui l’un des hommes les plus humbles que j’ai rencontrés] ?

Henrik :
Tu devrais être fier de toi, Auro. Je sais que tu continues à le cacher, mais tu devrais en tirer fierté.

Goldberger :
Merci. Merci. Je suis heureux que tu apprécies cela. Par ailleurs, la gratification dont nous avons parlé pour cette campagne : veuillez en faire don à l’œuvre de charité  de Morjas, The Shoe That Grows.

Henrik :
Vous êtes sérieux ?

Goldberger :
Oui Henrik. Regarde. J’ai tout ce dont j’ai besoin. On vient de finir un bon déjeuner, on a bu du bon vin et je suis en bonne santé. Que pourrais-je demander de plus ? Les enfants de ta cause en ont bien plus besoin que moi.

Henrik :
Merci Auro. Je sais que Kenton, qui est le fondateur de The Shoe That Grows, sera aux anges car de nombreuses organisations ont mis fin à leurs activités en raison de laCovid. Cela signifie beaucoup pour nous.

Goldberger :
Avec plaisir.

Auro lève les yeux. Il réfléchit. Il demande : “Comment ça se passe en Suède pendant l’été ?”

Henrik :
Incroyablement beau avec beaucoup de lumière. Quand la pandémie sera terminée, je vous inviterai en Suède avec Francesca et ce sera à notre tour de vous accueillir. D’accord ?

Goldberger :
J’adorerais ça. Je sais que ma femme sera très enthousiaste. Peut-être déjà cet été ?

Henrik :
Oui, je l’espère vraiment.

[Nous terminons la journée. Je retourne à l’hôtel, touché par le mode de vie d’Auro. Guidé par l’amour et la simplicité dans sa façon de voir les choses.  Quand les autres se compliquent la vie, Auro la simplifie. C’est un bon précepte de vie].

Notre campagne avec Goldberger a été tournée chez lui à Bologne, en Italie. Le photographe est Abraham Engelmark. La direction créative et le style sont de Goldberger et Henrik Berg.

Cette interview est menée conjointement par Henrik Berg (fondateur de Morjas) et Andreas Weinås. Lorsque j’ai su (Henrik) que j’allais interviewer l’homme qui en sait le plus sur les montres, j’ai dû améliorer mon jeu. J’ai donc pris mon téléphone et appelé mon ami Andreas, qui s’y connaît mieux que quiconque en horlogerie. Toutes les questions relatives aux montres sont d’Andreas. Merci, mon ami.

[iPhone buzzing. Nouveau message whatsapp d’Auro Montanari.]

“Lundi matin, nous pouvons commencer par un café à votre hôtel. Ensuite, nous pourrons déjeuner chez moi. Tout est fermé à Bologne.”

Mais commençons par le début. J’ai fait la connaissance de Goldberger à Milan au printemps 2019. J’étais en ville et j’ai rencontré Luca Rubinacci pour prendre un verre au couché du soleil, ce qui m’a ensuite conduit à un petit cocktail donné au magasin Fortela, la marque fondée par Alessandro Squarzi.

Alessandro, ombragé par des lunettes de soleil de Jacques Marie Mage, a salué les invités avec son grand sourire italien. À côté de lui se tenait un homme qui ressemblait à la fois à un méchant de James Bond, à un empereur des affaires et à un marchand de vêtements vintage. Chemise en denim délavé, veste en cuir vintage à la patine prononcée et aux épaules structurées. Accompagné d’un pantalon taille haute en laine mélangée à du marron. Complété par une paire de mocassins à glands marron foncé. Goldberger est plus grand que l’Italien moyen. Épaules larges. Taille de 190 cm. Avec des yeux qui remarquent les détails tel Jason Bourne. Cet homme remarque tout ce qui l’entoure. Vous vous rendez pas toujours compte qu’il remarque tout les détails. Mais c’est le cas. Des choses que les autres mettent quelques secondes à déceler, Goldberger les voit en une nanoseconde. C’est son don.

“Jolies épaules”, a-t-il dit en fumant. Il a pointé un doigt vers mes épaules. Ces dernières années, les épaules naturelles et la spalla camicia ont fait l’objet d’une véritable délire. Bien que je comprenne, ce n’est pas pour moi. Je veux que mes épaules soient bien structurées. Appelez-moi vieille école. Et apparemment, Auro Montanari alias John Goldberger aussi. C’est sur ce sujet que nous nous sommes rapprochés.

Quand j’ai rencontré Goldberger pour la première fois, je n’avais aucune idée de qui il était. Nous avons commencé à discuter de style, il m’a posé des questions sur Morjas, sur la façon dont je pouvais vivre en Suède pendant l’hiver et sur le fait qu’il s’intéressait vraiment aux montres et au vintage. On ne se douterait pas que c’est un homme qui est connu pour avoir la collection de montres la plus rare du monde. Les premiers traits de caractères qui vous viennent à l’esprit ? Humble. Réservé. Poli. Vif. Aimable. Confiant. Calme.

J’ai terminé la soirée en publiant une photo sur mon Instagram. Sur la photo : Luca Rubinacci, Alessandro Squarzi, Goldberger. Si je ne savais pas qui était Goldberger avant, j’étais sûr de le découvrir à cet instant. Des dizaines de messages d’amis ont afflué : “As-tu rencontré Goldberger… ?”, “GOLDBERGER ?”, “WTF !!”, “Nooooon”. Apparemment, j’avais rencontré la personne qui dans le monde des montres est ce que Cristiano Ronaldo est dans le monde du football.

Pour ma défense et ce que vous pouvez probablement vous dire à présent : Je ne suis pas un connaisseur de montres. Tout ce que je savais, c’est que c’est un homme que je voulais voir porter une paire de Morjas. Je ne savais pas que Goldberger n’avait jamais fait de campagne dans le domaine de la mode masculine. Son côté mystique et sa rareté créent une aura sexy. Oui, une aura sexy. Je veux le voir avec une paire de Morjas. Absolument.

Septembre 2020. Nous avions prévu de rendre visite à Goldberger chez lui à Bologne, mais nous avons décidé de reporter la visite en raison de la pandémie. Nous avons fixé une nouvelle date en novembre.

Lorsque le mois de novembre s’est présenté, j’ai repris contact avec Goldberger, qui était toujours très enthousiaste à l’idée de faire une séance photo. Oui, c’était le temps de Corona. Oui, dites-moi que je suis irresponsable. Oui, appelez-moi comme vous voulez. Mais quand des occasions comme celles-ci se présentent à moi dans la vie, je ne les laisserai pas passer pour rien au monde. Pandémie ou pas. Alors, avec mon fidèle compagnon et photographe Abraham Engelmark, je suis allé au centre de soins local, j’ai fait le test PCR, j’ai obtenu le résultat et je me suis ensuite rendu à Bologne, en Italie.

Nous nous avons réservés dans l’un des rares hôtels qui étaient ouverts. Une chose qui m’a frappé très tôt dans ma relation avec Auro, c’est sa prévenance. Au cours de notre voyage, il s’est régulièrement présenté à l’hôtel pour demander “Comment allez-vous ? Il nous a ensuite donné des informations sur la situation à Bologne et sur la façon dont il allait s’occuper de nous.

Rappel : les gens au grand cœur veulent vraiment ce qu’il y a de mieux pour vous. Peu importe qui ils sont. Ils comprennent qu’un véritable acte de bonne volonté en suscite toujours un autre.

Dimanche 22h48. Nouveau message de Goldberger : “Heureux que vous soyez bien arrivés. Bonne nuit, à demain à 8h30 à l’hôtel”.

Lundi 8h24. “Buongiornio Signora”. La voix italienne, profonde et claquante, est familière. De loin, j’entends Goldberger saluer la réceptionniste.

Un homme qui représente ce qu’est le cool. Des bottes chukka basses en daim brun. Pantalon de flanelle marron-gris. Pull en cachemire couleur chocolat. Une veste en tweed. Le tour porté sous une veste de campagne vintage de l’armée américaine. C’est ainsi que l’on travaille avec les contrastes pour créer un look décontracté, intemporel et surtout, cool.

Goldberger :
Ciao mes amis. Comment s’est passé le voyage ?

Henrik :
Très bien, merci. C’est bien d’être à Bologne et de changer d’air pendant quelques jours.

Goldberger :
Il fait froid en Suède maintenant ?

Henrik :
Toujours.

Goldberger :
C’est bon de  vous avoir ici alors. Au moins, vous pouvez voir un peu de soleil.  Pendant la matinée, j’ai visité quelques-unes de mes fournisseurs préférées. Comme vous le savez, tout est fermé, alors aujourd’hui, je vais préparer le déjeuner. Nous allons commencer par un café chez moi, puis nous prendrons quelques photos. Cela vous parait être un bon plan?

[Je prépare les chaussures. Goldberger sélectionne les tenues.
Oui, je sais. Vous voulez en savoir plus sur la maison de Goldberger, mais j’en resterai là. Il s’est déjà ouvert à nous plus que jamais et c’est un accès á son intimité et sa vie privée que je préfère ne pas exploiter. Tout ce que vous devez savoir, c’est que c’est WOW].

[Déjà lors de la première tenue, j’ai compris que c’est quelque chose qui va au-delà de ce que vous vivez habituellement. Le style de Goldberger est unique. C’est une combinaison d’élégance, de finesse et de décontraction. Et je ne veux pas interférer. Quand quelqu’un est bon dans ce qu’il fait et qu’il sait ce qu’il fait, on n’interfère pas. Laissez-les être et laissez-les créer de la magie. Tout l’habillage a été pensé et réalisé par Goldberger lui-même].

Goldberger:
“Tout va bien ? Heureux ? Super, allons déjeuner”.

Voir Goldberger dans la cuisine, c’est relaxant. Il ne fait jamais un geste qui soit précipité ou stressé. Son corps bouge et suit un rythme comme dans une danse.

“J’ai cette mozzarella qui est la meilleure que vous n’avez jamais goûtée. Tenez, goûtez.”

Oui. C’est la meilleure mozzarella que j’ai jamais goûtée.

Salade d’avocats et de tomates, mozzarella, gorgonzola, mortadelle, jambon de parme et saumon fumé.

“J’ai acheté ce saumon spécialement fumé parce que je voulais avoir votre avis. Vous venez de Suède et vous connaissez vraiment le saumon. C’est un ami qui fume le poisson d’une manière spéciale”.

Henrik :
C’est très bon. La fumée atténue le goût propre du poisson et le rend plus élégant.

Goldberger :
N’est-ce pas ? Je pense que c’est vraiment bon. Je suis heureux de vous le faire découvrir.
Vous aimez le vin ?

Henrik :
Bien sûr.

Goldberger :
Je vais ouvrir cette bouteille que j’ai achetée il y a quelques années. Vous verrez qu’elle est vraiment bonne.

[Pause. Comme vous l’avez peut-être déjà remarqué, Goldberger n’est pas votre hôte habituel. Tout ce qu’il fait, il le fait avec beaucoup de soin et d’amour derrière lui. Il s’est levé tôt pour aller chercher des provisions chez ses fournisseurs privilégiés. Il a acheté un saumon spécial juste parce qu’il voulait que nous le goûtions. Il ouvre une bouteille de pinot noir qui fait chanter Dionysos. Il aime vraiment prendre soin des gens qui l’entourent. C’est inspirant].

Henrik :
Abraham et moi ne savons pas quoi dire. Nous sommes incroyablement reconnaissants pour tout ce que vous avez faites, Auro. Merci.

Goldberger :
Avec plaisir, vraiment.

Henrik :
Pendant que nous profitons de ce déjeuner qui satisfait  l’âme, je vais enregistrer sur mon téléphone. D’accord ?

Goldberger :
Oui.

Henrik :
Beaucoup vous connaissent peut-être sous le nom de John Goldberger, mais ce n’est pas votre vrai nom. Pourquoi avez-vous choisi ce pseudonyme ?

Goldberger :
Je voulais rester discret. Je suis assez réservé et je veux que ça reste ainsi. Comme vous le savez, c’est la première fois que j’ouvre ma maison à une marque. Mon vrai nom est Auro Montanari. Auro en latin signifie “or”. Berger en allemand signifie “montagne”. Mon nom de famille est Montanari. C’est donc une combinaison des deux. Auro Montanari est Goldberger.

Henrik :
Vous êtes né et avez grandi à Bologne, en Italie. Que faisaient vos parents dans la vie ?

Goldberger :
Mon père a fondé une entreprise qui fabrique des composants électroniques. Nous nous sommes d’abord spécialisés dans la fabrication et la vente de consommables pour la réception de la télévision hors antenne. Ces dernières années, nous nous sommes orientés vers la fabrication de boîtiers pour des produits tels que l’iPhone, par exemple. Tout cela est très technique et très soigné. C’est toujours une entreprise familiale et je suis maintenant le directeur général de la société.

Mes parents étaient des collectionneurs d’art. Ils achetaient des meubles, des peintures du 17ème et 16ème siècle. La plupart du temps de l’art italien classique. Ils l’ont fait par pure passion et par intérêt pour la collection. Donc, quand j’étais petit, je voyageais beaucoup avec mes parents dans le monde entier pour visiter différentes expositions.

Henrik :
Et c’est cela qui a suscité votre intérêt pour la collection des montres ?

Goldberger :
Oui. Mon père a remarqué que je m’ennuyais pendant les expositions d’art, alors il m’a fait découvrir les montres. À l’époque, les montres étaient en général assez bon marché par rapport à l’art. Il a vu qu’il y avait un secteur inexploité qui non seulement me correspondrait mieux, mais qui me donnerait aussi l’occasion de commencer à collectionner moi-même.

J’ai donc commencé à visiter les marchés aux puces pendant que mes parents assistaient aux expositions. Et j’ai découvert des montres Rolex, Patek, Cartier à des prix très bas. Je veux dire vraiment bon marché. Et c’était vers dans les années 1970.

Henrik :
Avez-vous commencé à acheter ce qui vous plaisait ou avez-vous acheté par connaissance ?

Goldberger :
J’ai suivi deux choses : mon coeur et mon oeil. Les gens ont du mal à le comprendre et à le croire, mais c’était ma boussole quand j’ai commencé, et c’est encore aujourd’hui mon plus grand conseil aux personnes qui veulent commencer à collectionner des montres : investissez dans des pièces qui vous plaisent vraiment.

À cette époque, il n’y avait pas d’Internet. Il n’y avait pas beaucoup de livres sur les montres. Pas beaucoup d’informations sur les montres en général. Par conséquent, il est devenu naturel d’acheter par instinct. Car comment pouvais-je savoir ce que j’achetais alors qu’il n’y avait pratiquement aucune information ? C’est charmant quand on y pense. Mon père m’a cependant recommandé d’acheter les grandes marques, comme Rolex et Patek Philippe. Il m’a dit que je ne devais pas acheter chez Cartier parce que c’est pour les “coiffeurs”. Mais je n’ai pas suivi sa recommandation sur Cartier, parce que j’aime Cartier.

Encore du vin ?

Henrik :
Oui, s’il vous plaît. Sur ce point. Quelle est la meilleure expérience culinaire de votre vie?

Goldberger :
C’était quand j’étais au Japon. Un bon ami et collègue collectionneur de montres m’a emmené dans un restaurant de sushis très discret. Cela m’a époustouflé et c’est une expérience unique dans ma vie.

Henrik :
De quoi parliez-vous autour de la table à manger quand vous étiez enfant ?

Goldberger :
Il y avait beaucoup de discussions sur l’art. Différentes sortes d’art. Leur origines. Leur histoires. Je suis éternellement reconnaissant pour les leçons d’histoire que mes parents m’ont apprises. Cela m’a aidé à comprendre le monde et son histoire dans une perspective plus large.

Henrik :
Y avait-il des valeurs qui vous semblaient importantes pour votre famille qui vous ont suivi dès votre plus jeune âge ?

Goldberger :
Savoir ce que l’on achète, quoi que l’on achète. Même si vous achetez en fonction de vos goûts, sachez ce que vous achetez. Et c’était bien sûr difficile quand il n’y avait pas beaucoup d’informations à l’époque où j’ai commencé. Mais j’ai beaucoup appris par des marchés aux puces, des bibliothèques et des autres amateurs de montres.

Henrik :
Etiez-vous bon à l’école ?

Goldberger :
Pour être honnête, je n’y ai pas beaucoup prêté attention. Mais j’ai apprécié les sujets qui m’intéressaient de manière très approfondie.

Henrik :
Je comprends.

Goldberger :
Comme les mathématiques, la physique, la chimie.

Henrik :
Et l’histoire ?

Goldberger :
Je l’ai appris à la maison. Mais tu sais que les mathématiques et la physique jouent un rôle dans le monde des montres. J’aime comprendre comment les choses fonctionnent.

Henrik :
Quel était votre rêve en grandissant quand vous étiez enfant ?

Goldberger :
Devenir astronaute. Et j’étais vraiment fasciné par la science-fiction.

Henrik :
Quelle a été votre première montre et l’avez-vous toujours dans votre collection ?

Goldberger :
La première montre était un cadeau de mon père quand j’ai fait ma Confirmation à l’église catholique. J’ai fait ma confirmation en 1965 quand j’avais 8 ans. Mon père m’a donné une montre qui a été fabriquée en 1957 et qui est presque vintage. Et 1957  est l’année de ma naissance.

La deuxième montre a été offerte par mon père à l’occasion de mon 18e anniversaire. C’était une Pulsar venant de Tiffany. En acier. De New York.

Après cela, j’ai commencé à acheter pour moi-même. La première que je me suis achetée était un petit chronographe Rolex art déco fabriqué dans les années 40. Je l’ai acheté en 1978 chez un petit antiquaire à Bologne.

Je les ai toujours toutes dans ma collection.

Henrik :
Vous avez maintenant 63 ans. Si vous deviez décrire votre vie en décennies, à quoi cela ressemblerait-il ?

Goldberger :
Jusqu’à mes vingt ans, ma plus grande passion était la photographie. J’étais obsédé par cela. Mon père m’a donné un très bon appareil photo, un Leicaflex Hasselblad, un argentique. C’est l’outil qui a fait grandir ma passion pour la photographie.

À 22 ans, j’ai déménagé à Venice Beach en Californie pour étudier le graphisme. C’était une période très amusante, avec beaucoup de photographie et de basket. J’ai un jeune frère qui m’a rejoint dans mes aventures.

Quand j’ai approché la trentaine, j’étais très focalisé sur les montres en général et sur le design. Je me suis inscrit dans l’entreprise familiale pour m’occuper de tout ce qui concernait le design. La direction artistique des catalogues de produits, la publicité. L’image de marque. Le marketing. Tout ce qui est créatif.

Dans les années 30-40, je suis revenu vivre en Italie. Je me suis intéressé aux affaires de ma famille à un niveau plus poussé. C’était plutôt une période d’apprentissage où je me suis profondément impliqué dans l’entreprise.

Entre 40 et 50 ans, j’ai vécu une période de travail intense. J’ai réussi à consacrer quelques heures par jour à la lecture, au suivi et à l’apprentissage sur le sujet des montres, car c’est ma plus grande passion. Mais la majorité du temps était vraiment consacrée au travail.

Dans les années 50 à 60, je suis devenu le PDG de la société et j’ai commencé à apprécier voyager, à visiter les marchés aux puces, à assister aux ventes aux enchères dans le monde entier et à avoir un peu plus de temps pour les montres.

Henrik :
Avez-vous gagné votre vie en achetant et en vendant des montres ?

Goldberger :
Non, c’est purement par passion.

Henrik :
Mm. Oui. Réponse diplomatique. Vous avez l’une des collections de montres les plus rares au monde.

Goldberger :
C’est ce qu’on dit. Mais je le fais par pure passion. Mon travail et ma carrière se sont fait dans l’entreprise familiale.

Henrik :
Une montre de rêve ?

Goldberger :
Il y a en fait une montre qui n’a jamais été mise sur le marché. J’étais un grand fan d’un film de science-fiction intitulé “L’Odyssée de l’espace” de 1968. Et pour ce film, Hamilton a conçu une montre au design incurvé qu’ils n’ont réalisée qu’en six exemplaires. Mais elle n’a jamais été mise sur le marché. C’est une montre que j’aimerais vraiment avoir. L’original du film.

Henrik :
Y a-t-il une montre que vous regrettez d’avoir vendue ?

Goldberger :
A chaque fois. Chaque fois que je vends une montre, je suis un peu triste.

Henrik :
Qu’est-ce qui attire votre attention dans une montre ? Est-ce en général la rareté, le design, la provenance ou la technique ?

Goldberger :
La rareté et la qualité. Elle doit être réunir un bon mélange entre la beauté, la rareté et la qualité. Achetez quelque chose que vous aimez porter. C’est une passion. Ce n’est pas un investissement.

Henrik :
Votre collection et votre travail se sont concentrés sur certaines des pièces les plus importantes de marques comme Rolex, Cartier et Patek Philippe. Y a-t-il une marque en particulier à laquelle vous prêtez plus d’attention en ce moment ?

Goldberger :
Longines. C’était une société très importante pendant la première moitié du siècle dernier qui produisait des montres uniques pour l’armée, l’aviation, l’exploration, etc. Une bonne technique et un beau design. Une belle marque qui aujourd’hui passe un peu inaperçue.

Henrik :
Les montres à quartz – Qu’en pensez-vous ?

Goldberger :
Il y a certainement quelques montres intéressantes dans ce domaine. Surtout les premières montres de Seiko. La première de Bulova. Et de Pulsar. J’aime le design de ces montres de la fin des années 60.

Henrik :
Depuis la scène désormais emblématique de l’épisode des “Talking Watches” de Hodinkee, où vous avez ouvert avec désinvolture le fond du boîtier d’un Chronographe Rolex extrêmement rare avec un couteau à fromage, j’ai l’impression que vous avez une façon très détendue de regarder les pièces les plus exclusives de votre collection.

Goldberger :
Oui, bien sûr. Mais ne vous y trompez pas. J’ai ouvert des milliers et des milliers de montres dans ma vie, donc même si je suis détendue, je respecte beaucoup la montre, parce que je sais comment faire les yeux fermés.

Mais oui, à la fin de la journée, ce n’est qu’une montre. Même si j’aime les montres, vous devez vous rappeler que c’est une montre. C’est une chose. Même si elle est belle, rare et de grande qualité, c’est toujours un objet. Si vous êtes trop pris et trop tendu à propos des montres, vous enlevez tout d’abord le plaisir de la montre. Je pense que c’est assez central dans ma façon de voir les choses.

Henrik :
La plupart de vos montres semblent être vintage. Que pensez-vous des montres modernes et de l’état actuel de l’industrie ?

Goldberger :
Il y a quelques belles montres modernes. C’est certain.

Pour moi, le fabricant de montres modernes le plus incroyable est Richard Mille. Comme leurs montres sont très originales, elles ont leur propre identité et ne copient pas les autres. Elles sont complètes et ne font pas de compromis. Ils investissent beaucoup dans la recherche et le design, ce qui est passionnant à voir pour un amateur de montres. Les designs sont extrêmement avancés et exécutés avec minutie. Dans l’ensemble, c’est donc une montre très bien fabriquée. C’est une marque peut-être un peu chère, mais je l’adore.

Ma préférée parmi elles est la version Bubba Watson. C’est un Tourbillon avec un boîtier en magnésium. Elle est si légère qu’elle peut flotter sur l’eau.

Henrik :
En plus de vos montres impeccables, vous avez un excellent goût pour l’art et le style en général. Vous êtes passionné par les vêtements et les chaussures ?

Goldberger :
Oui, très. J’ai deux tailleurs que j’ai fréquentés la majorité du temps. Ensuite, je combine mon style avec des pièces vintage que je trouve partout. J’aime combiner des pièces décontractées avec des vêtements plus formels. Cela crée un beau contraste. Comme ceci. Un pantalon de laine, un polo, une veste et une paire de mocassins. C’est tout ce qu’il vous faut, n’est-ce pas ?

Henrik :
Un mélange de décontracté, de formel et de vintage.

Goldberger :
Oui, c’est une bonne façon de le dire.

Henrik :
Vous vendez surtout des montres aux enchères et pas tellement en privé. Comment cela se fait-il ?

Goldberger :
Oui, de manière générale. Il est très difficile de trouver des collectionneurs privés avec une telle ampleur. Je préfère la vente aux enchères parce que tout le monde a alors accès à la montre. C’est ouvert à tous, n’est-ce pas ? Je pense que cela a du sens.

Henrik :
Qu’est-ce qui a changé dans la communauté des collectionneurs de montres depuis que vous avez commencé et quelles sont vos prévisions pour les futurs collectionneurs ?

Goldberger :
Vous pouvez le décrire très simplement. Avant, l’industrie horlogère et sa communauté de collectionneurs étaient fermées. Aujourd’hui, elle est ouverte à tous.

Et la raison de loin la plus importante est l’Internet. Nous être reconnaissant pour cela.

Je prévois qu’à l’avenir, de plus en plus de jeunes collectionneurs émergeront, ce qui est passionnant à voir. Et surtout de partout dans le monde. Tout est devenu plus ouvert.

Henrik :
Y a-t-il une montre particulière dans votre collection que vous de pourrez jamais vendre ?

Goldberger :
J’aime toutes mes montres, mais bien sûr je suis très attaché à la première que j’ai reçu de mon père.

Henrik :
Un jeune collectionneur, que lui suggéreriez-vous pour commencer ?

Goldberger :
Concentrez-vous sur les montres-outils (tool watches). Les plongeuses. Les chronographes. Les montres créées entre les années 50 et 70. Commencez par cela pour apprendre et ensuite vous pourrez développer à partir de là.

Henrik :
Vous avez vendu une montre, surnommée “la licorne”, pour 6,5 MUSD et vous avez donné l’argent à une œuvre de charité. Cela en dit beaucoup sur vous.

Goldberger :
C’est une excellente oeuvre de charité. J’ai décidé avant la vente aux enchères que je donnerais l’argent.

Henrik :
Mm. Juste comme ça.

[Pendant 30 secondes, nous sommes silencieux. Je regarde Auro. Il me regarde sympathiquement. Il lève les yeux. J’essaie de comprendre ce qui guide cet homme derrière la surface. Il est personnel, mais réservé. Il est généreux, mais réservé. Quelles leçons de jeunesse ont sculpté cet homme en l’individu qu’il est aujourd’hui ? Quelles valeurs lui ont été inculquées quand il était enfant et qui ont fait de lui l’un des hommes les plus humbles que j’ai rencontrés] ?

Henrik :
Tu devrais être fier de toi, Auro. Je sais que tu continues à le cacher, mais tu devrais en tirer fierté.

Goldberger :
Merci. Merci. Je suis heureux que tu apprécies cela. Par ailleurs, la gratification dont nous avons parlé pour cette campagne : veuillez en faire don à l’œuvre de charité  de Morjas, The Shoe That Grows.

Henrik :
Vous êtes sérieux ?

Goldberger :
Oui Henrik. Regarde. J’ai tout ce dont j’ai besoin. On vient de finir un bon déjeuner, on a bu du bon vin et je suis en bonne santé. Que pourrais-je demander de plus ? Les enfants de ta cause en ont bien plus besoin que moi.

Henrik :
Merci Auro. Je sais que Kenton, qui est le fondateur de The Shoe That Grows, sera aux anges car de nombreuses organisations ont mis fin à leurs activités en raison de laCovid. Cela signifie beaucoup pour nous.

Goldberger :
Avec plaisir.

Auro lève les yeux. Il réfléchit. Il demande : “Comment ça se passe en Suède pendant l’été ?”

Henrik :
Incroyablement beau avec beaucoup de lumière. Quand la pandémie sera terminée, je vous inviterai en Suède avec Francesca et ce sera à notre tour de vous accueillir. D’accord ?

Goldberger :
J’adorerais ça. Je sais que ma femme sera très enthousiaste. Peut-être déjà cet été ?

Henrik :
Oui, je l’espère vraiment.

[Nous terminons la journée. Je retourne à l’hôtel, touché par le mode de vie d’Auro. Guidé par l’amour et la simplicité dans sa façon de voir les choses.  Quand les autres se compliquent la vie, Auro la simplifie. C’est un bon précepte de vie].

Notre campagne avec Goldberger a été tournée chez lui à Bologne, en Italie. Le photographe est Abraham Engelmark. La direction créative et le style sont de Goldberger et Henrik Berg.

Cette interview est menée conjointement par Henrik Berg (fondateur de Morjas) et Andreas Weinås. Lorsque j’ai su (Henrik) que j’allais interviewer l’homme qui en sait le plus sur les montres, j’ai dû améliorer mon jeu. J’ai donc pris mon téléphone et appelé mon ami Andreas, qui s’y connaît mieux que quiconque en horlogerie. Toutes les questions relatives aux montres sont d’Andreas. Merci, mon ami.

[iPhone buzzing. Nouveau message whatsapp d’Auro Montanari.]

“Lundi matin, nous pouvons commencer par un café à votre hôtel. Ensuite, nous pourrons déjeuner chez moi. Tout est fermé à Bologne.”

Mais commençons par le début. J’ai fait la connaissance de Goldberger à Milan au printemps 2019. J’étais en ville et j’ai rencontré Luca Rubinacci pour prendre un verre au couché du soleil, ce qui m’a ensuite conduit à un petit cocktail donné au magasin Fortela, la marque fondée par Alessandro Squarzi.

Alessandro, ombragé par des lunettes de soleil de Jacques Marie Mage, a salué les invités avec son grand sourire italien. À côté de lui se tenait un homme qui ressemblait à la fois à un méchant de James Bond, à un empereur des affaires et à un marchand de vêtements vintage. Chemise en denim délavé, veste en cuir vintage à la patine prononcée et aux épaules structurées. Accompagné d’un pantalon taille haute en laine mélangée à du marron. Complété par une paire de mocassins à glands marron foncé. Goldberger est plus grand que l’Italien moyen. Épaules larges. Taille de 190 cm. Avec des yeux qui remarquent les détails tel Jason Bourne. Cet homme remarque tout ce qui l’entoure. Vous vous rendez pas toujours compte qu’il remarque tout les détails. Mais c’est le cas. Des choses que les autres mettent quelques secondes à déceler, Goldberger les voit en une nanoseconde. C’est son don.

“Jolies épaules”, a-t-il dit en fumant. Il a pointé un doigt vers mes épaules. Ces dernières années, les épaules naturelles et la spalla camicia ont fait l’objet d’une véritable délire. Bien que je comprenne, ce n’est pas pour moi. Je veux que mes épaules soient bien structurées. Appelez-moi vieille école. Et apparemment, Auro Montanari alias John Goldberger aussi. C’est sur ce sujet que nous nous sommes rapprochés.

Quand j’ai rencontré Goldberger pour la première fois, je n’avais aucune idée de qui il était. Nous avons commencé à discuter de style, il m’a posé des questions sur Morjas, sur la façon dont je pouvais vivre en Suède pendant l’hiver et sur le fait qu’il s’intéressait vraiment aux montres et au vintage. On ne se douterait pas que c’est un homme qui est connu pour avoir la collection de montres la plus rare du monde. Les premiers traits de caractères qui vous viennent à l’esprit ? Humble. Réservé. Poli. Vif. Aimable. Confiant. Calme.

J’ai terminé la soirée en publiant une photo sur mon Instagram. Sur la photo : Luca Rubinacci, Alessandro Squarzi, Goldberger. Si je ne savais pas qui était Goldberger avant, j’étais sûr de le découvrir à cet instant. Des dizaines de messages d’amis ont afflué : “As-tu rencontré Goldberger… ?”, “GOLDBERGER ?”, “WTF !!”, “Nooooon”. Apparemment, j’avais rencontré la personne qui dans le monde des montres est ce que Cristiano Ronaldo est dans le monde du football.

Pour ma défense et ce que vous pouvez probablement vous dire à présent : Je ne suis pas un connaisseur de montres. Tout ce que je savais, c’est que c’est un homme que je voulais voir porter une paire de Morjas. Je ne savais pas que Goldberger n’avait jamais fait de campagne dans le domaine de la mode masculine. Son côté mystique et sa rareté créent une aura sexy. Oui, une aura sexy. Je veux le voir avec une paire de Morjas. Absolument.

Septembre 2020. Nous avions prévu de rendre visite à Goldberger chez lui à Bologne, mais nous avons décidé de reporter la visite en raison de la pandémie. Nous avons fixé une nouvelle date en novembre.

Lorsque le mois de novembre s’est présenté, j’ai repris contact avec Goldberger, qui était toujours très enthousiaste à l’idée de faire une séance photo. Oui, c’était le temps de Corona. Oui, dites-moi que je suis irresponsable. Oui, appelez-moi comme vous voulez. Mais quand des occasions comme celles-ci se présentent à moi dans la vie, je ne les laisserai pas passer pour rien au monde. Pandémie ou pas. Alors, avec mon fidèle compagnon et photographe Abraham Engelmark, je suis allé au centre de soins local, j’ai fait le test PCR, j’ai obtenu le résultat et je me suis ensuite rendu à Bologne, en Italie.

Nous nous avons réservés dans l’un des rares hôtels qui étaient ouverts. Une chose qui m’a frappé très tôt dans ma relation avec Auro, c’est sa prévenance. Au cours de notre voyage, il s’est régulièrement présenté à l’hôtel pour demander “Comment allez-vous ? Il nous a ensuite donné des informations sur la situation à Bologne et sur la façon dont il allait s’occuper de nous.

Rappel : les gens au grand cœur veulent vraiment ce qu’il y a de mieux pour vous. Peu importe qui ils sont. Ils comprennent qu’un véritable acte de bonne volonté en suscite toujours un autre.

Dimanche 22h48. Nouveau message de Goldberger : “Heureux que vous soyez bien arrivés. Bonne nuit, à demain à 8h30 à l’hôtel”.

Lundi 8h24. “Buongiornio Signora”. La voix italienne, profonde et claquante, est familière. De loin, j’entends Goldberger saluer la réceptionniste.

Un homme qui représente ce qu’est le cool. Des bottes chukka basses en daim brun. Pantalon de flanelle marron-gris. Pull en cachemire couleur chocolat. Une veste en tweed. Le tour porté sous une veste de campagne vintage de l’armée américaine. C’est ainsi que l’on travaille avec les contrastes pour créer un look décontracté, intemporel et surtout, cool.

Goldberger :
Ciao mes amis. Comment s’est passé le voyage ?

Henrik :
Très bien, merci. C’est bien d’être à Bologne et de changer d’air pendant quelques jours.

Goldberger :
Il fait froid en Suède maintenant ?

Henrik :
Toujours.

Goldberger :
C’est bon de  vous avoir ici alors. Au moins, vous pouvez voir un peu de soleil.  Pendant la matinée, j’ai visité quelques-unes de mes fournisseurs préférées. Comme vous le savez, tout est fermé, alors aujourd’hui, je vais préparer le déjeuner. Nous allons commencer par un café chez moi, puis nous prendrons quelques photos. Cela vous parait être un bon plan?

[Je prépare les chaussures. Goldberger sélectionne les tenues.
Oui, je sais. Vous voulez en savoir plus sur la maison de Goldberger, mais j’en resterai là. Il s’est déjà ouvert à nous plus que jamais et c’est un accès á son intimité et sa vie privée que je préfère ne pas exploiter. Tout ce que vous devez savoir, c’est que c’est WOW].

[Déjà lors de la première tenue, j’ai compris que c’est quelque chose qui va au-delà de ce que vous vivez habituellement. Le style de Goldberger est unique. C’est une combinaison d’élégance, de finesse et de décontraction. Et je ne veux pas interférer. Quand quelqu’un est bon dans ce qu’il fait et qu’il sait ce qu’il fait, on n’interfère pas. Laissez-les être et laissez-les créer de la magie. Tout l’habillage a été pensé et réalisé par Goldberger lui-même].

Goldberger:
“Tout va bien ? Heureux ? Super, allons déjeuner”.

Voir Goldberger dans la cuisine, c’est relaxant. Il ne fait jamais un geste qui soit précipité ou stressé. Son corps bouge et suit un rythme comme dans une danse.

“J’ai cette mozzarella qui est la meilleure que vous n’avez jamais goûtée. Tenez, goûtez.”

Oui. C’est la meilleure mozzarella que j’ai jamais goûtée.

Salade d’avocats et de tomates, mozzarella, gorgonzola, mortadelle, jambon de parme et saumon fumé.

“J’ai acheté ce saumon spécialement fumé parce que je voulais avoir votre avis. Vous venez de Suède et vous connaissez vraiment le saumon. C’est un ami qui fume le poisson d’une manière spéciale”.

Henrik :
C’est très bon. La fumée atténue le goût propre du poisson et le rend plus élégant.

Goldberger :
N’est-ce pas ? Je pense que c’est vraiment bon. Je suis heureux de vous le faire découvrir.
Vous aimez le vin ?

Henrik :
Bien sûr.

Goldberger :
Je vais ouvrir cette bouteille que j’ai achetée il y a quelques années. Vous verrez qu’elle est vraiment bonne.

[Pause. Comme vous l’avez peut-être déjà remarqué, Goldberger n’est pas votre hôte habituel. Tout ce qu’il fait, il le fait avec beaucoup de soin et d’amour derrière lui. Il s’est levé tôt pour aller chercher des provisions chez ses fournisseurs privilégiés. Il a acheté un saumon spécial juste parce qu’il voulait que nous le goûtions. Il ouvre une bouteille de pinot noir qui fait chanter Dionysos. Il aime vraiment prendre soin des gens qui l’entourent. C’est inspirant].

Henrik :
Abraham et moi ne savons pas quoi dire. Nous sommes incroyablement reconnaissants pour tout ce que vous avez faites, Auro. Merci.

Goldberger :
Avec plaisir, vraiment.

Henrik :
Pendant que nous profitons de ce déjeuner qui satisfait  l’âme, je vais enregistrer sur mon téléphone. D’accord ?

Goldberger :
Oui.

Henrik :
Beaucoup vous connaissent peut-être sous le nom de John Goldberger, mais ce n’est pas votre vrai nom. Pourquoi avez-vous choisi ce pseudonyme ?

Goldberger :
Je voulais rester discret. Je suis assez réservé et je veux que ça reste ainsi. Comme vous le savez, c’est la première fois que j’ouvre ma maison à une marque. Mon vrai nom est Auro Montanari. Auro en latin signifie “or”. Berger en allemand signifie “montagne”. Mon nom de famille est Montanari. C’est donc une combinaison des deux. Auro Montanari est Goldberger.

Henrik :
Vous êtes né et avez grandi à Bologne, en Italie. Que faisaient vos parents dans la vie ?

Goldberger :
Mon père a fondé une entreprise qui fabrique des composants électroniques. Nous nous sommes d’abord spécialisés dans la fabrication et la vente de consommables pour la réception de la télévision hors antenne. Ces dernières années, nous nous sommes orientés vers la fabrication de boîtiers pour des produits tels que l’iPhone, par exemple. Tout cela est très technique et très soigné. C’est toujours une entreprise familiale et je suis maintenant le directeur général de la société.

Mes parents étaient des collectionneurs d’art. Ils achetaient des meubles, des peintures du 17ème et 16ème siècle. La plupart du temps de l’art italien classique. Ils l’ont fait par pure passion et par intérêt pour la collection. Donc, quand j’étais petit, je voyageais beaucoup avec mes parents dans le monde entier pour visiter différentes expositions.

Henrik :
Et c’est cela qui a suscité votre intérêt pour la collection des montres ?

Goldberger :
Oui. Mon père a remarqué que je m’ennuyais pendant les expositions d’art, alors il m’a fait découvrir les montres. À l’époque, les montres étaient en général assez bon marché par rapport à l’art. Il a vu qu’il y avait un secteur inexploité qui non seulement me correspondrait mieux, mais qui me donnerait aussi l’occasion de commencer à collectionner moi-même.

J’ai donc commencé à visiter les marchés aux puces pendant que mes parents assistaient aux expositions. Et j’ai découvert des montres Rolex, Patek, Cartier à des prix très bas. Je veux dire vraiment bon marché. Et c’était vers dans les années 1970.

Henrik :
Avez-vous commencé à acheter ce qui vous plaisait ou avez-vous acheté par connaissance ?

Goldberger :
J’ai suivi deux choses : mon coeur et mon oeil. Les gens ont du mal à le comprendre et à le croire, mais c’était ma boussole quand j’ai commencé, et c’est encore aujourd’hui mon plus grand conseil aux personnes qui veulent commencer à collectionner des montres : investissez dans des pièces qui vous plaisent vraiment.

À cette époque, il n’y avait pas d’Internet. Il n’y avait pas beaucoup de livres sur les montres. Pas beaucoup d’informations sur les montres en général. Par conséquent, il est devenu naturel d’acheter par instinct. Car comment pouvais-je savoir ce que j’achetais alors qu’il n’y avait pratiquement aucune information ? C’est charmant quand on y pense. Mon père m’a cependant recommandé d’acheter les grandes marques, comme Rolex et Patek Philippe. Il m’a dit que je ne devais pas acheter chez Cartier parce que c’est pour les “coiffeurs”. Mais je n’ai pas suivi sa recommandation sur Cartier, parce que j’aime Cartier.

Encore du vin ?

Henrik :
Oui, s’il vous plaît. Sur ce point. Quelle est la meilleure expérience culinaire de votre vie?

Goldberger :
C’était quand j’étais au Japon. Un bon ami et collègue collectionneur de montres m’a emmené dans un restaurant de sushis très discret. Cela m’a époustouflé et c’est une expérience unique dans ma vie.

Henrik :
De quoi parliez-vous autour de la table à manger quand vous étiez enfant ?

Goldberger :
Il y avait beaucoup de discussions sur l’art. Différentes sortes d’art. Leur origines. Leur histoires. Je suis éternellement reconnaissant pour les leçons d’histoire que mes parents m’ont apprises. Cela m’a aidé à comprendre le monde et son histoire dans une perspective plus large.

Henrik :
Y avait-il des valeurs qui vous semblaient importantes pour votre famille qui vous ont suivi dès votre plus jeune âge ?

Goldberger :
Savoir ce que l’on achète, quoi que l’on achète. Même si vous achetez en fonction de vos goûts, sachez ce que vous achetez. Et c’était bien sûr difficile quand il n’y avait pas beaucoup d’informations à l’époque où j’ai commencé. Mais j’ai beaucoup appris par des marchés aux puces, des bibliothèques et des autres amateurs de montres.

Henrik :
Etiez-vous bon à l’école ?

Goldberger :
Pour être honnête, je n’y ai pas beaucoup prêté attention. Mais j’ai apprécié les sujets qui m’intéressaient de manière très approfondie.

Henrik :
Je comprends.

Goldberger :
Comme les mathématiques, la physique, la chimie.

Henrik :
Et l’histoire ?

Goldberger :
Je l’ai appris à la maison. Mais tu sais que les mathématiques et la physique jouent un rôle dans le monde des montres. J’aime comprendre comment les choses fonctionnent.

Henrik :
Quel était votre rêve en grandissant quand vous étiez enfant ?

Goldberger :
Devenir astronaute. Et j’étais vraiment fasciné par la science-fiction.

Henrik :
Quelle a été votre première montre et l’avez-vous toujours dans votre collection ?

Goldberger :
La première montre était un cadeau de mon père quand j’ai fait ma Confirmation à l’église catholique. J’ai fait ma confirmation en 1965 quand j’avais 8 ans. Mon père m’a donné une montre qui a été fabriquée en 1957 et qui est presque vintage. Et 1957  est l’année de ma naissance.

La deuxième montre a été offerte par mon père à l’occasion de mon 18e anniversaire. C’était une Pulsar venant de Tiffany. En acier. De New York.

Après cela, j’ai commencé à acheter pour moi-même. La première que je me suis achetée était un petit chronographe Rolex art déco fabriqué dans les années 40. Je l’ai acheté en 1978 chez un petit antiquaire à Bologne.

Je les ai toujours toutes dans ma collection.

Henrik :
Vous avez maintenant 63 ans. Si vous deviez décrire votre vie en décennies, à quoi cela ressemblerait-il ?

Goldberger :
Jusqu’à mes vingt ans, ma plus grande passion était la photographie. J’étais obsédé par cela. Mon père m’a donné un très bon appareil photo, un Leicaflex Hasselblad, un argentique. C’est l’outil qui a fait grandir ma passion pour la photographie.

À 22 ans, j’ai déménagé à Venice Beach en Californie pour étudier le graphisme. C’était une période très amusante, avec beaucoup de photographie et de basket. J’ai un jeune frère qui m’a rejoint dans mes aventures.

Quand j’ai approché la trentaine, j’étais très focalisé sur les montres en général et sur le design. Je me suis inscrit dans l’entreprise familiale pour m’occuper de tout ce qui concernait le design. La direction artistique des catalogues de produits, la publicité. L’image de marque. Le marketing. Tout ce qui est créatif.

Dans les années 30-40, je suis revenu vivre en Italie. Je me suis intéressé aux affaires de ma famille à un niveau plus poussé. C’était plutôt une période d’apprentissage où je me suis profondément impliqué dans l’entreprise.

Entre 40 et 50 ans, j’ai vécu une période de travail intense. J’ai réussi à consacrer quelques heures par jour à la lecture, au suivi et à l’apprentissage sur le sujet des montres, car c’est ma plus grande passion. Mais la majorité du temps était vraiment consacrée au travail.

Dans les années 50 à 60, je suis devenu le PDG de la société et j’ai commencé à apprécier voyager, à visiter les marchés aux puces, à assister aux ventes aux enchères dans le monde entier et à avoir un peu plus de temps pour les montres.

Henrik :
Avez-vous gagné votre vie en achetant et en vendant des montres ?

Goldberger :
Non, c’est purement par passion.

Henrik :
Mm. Oui. Réponse diplomatique. Vous avez l’une des collections de montres les plus rares au monde.

Goldberger :
C’est ce qu’on dit. Mais je le fais par pure passion. Mon travail et ma carrière se sont fait dans l’entreprise familiale.

Henrik :
Une montre de rêve ?

Goldberger :
Il y a en fait une montre qui n’a jamais été mise sur le marché. J’étais un grand fan d’un film de science-fiction intitulé “L’Odyssée de l’espace” de 1968. Et pour ce film, Hamilton a conçu une montre au design incurvé qu’ils n’ont réalisée qu’en six exemplaires. Mais elle n’a jamais été mise sur le marché. C’est une montre que j’aimerais vraiment avoir. L’original du film.

Henrik :
Y a-t-il une montre que vous regrettez d’avoir vendue ?

Goldberger :
A chaque fois. Chaque fois que je vends une montre, je suis un peu triste.

Henrik :
Qu’est-ce qui attire votre attention dans une montre ? Est-ce en général la rareté, le design, la provenance ou la technique ?

Goldberger :
La rareté et la qualité. Elle doit être réunir un bon mélange entre la beauté, la rareté et la qualité. Achetez quelque chose que vous aimez porter. C’est une passion. Ce n’est pas un investissement.

Henrik :
Votre collection et votre travail se sont concentrés sur certaines des pièces les plus importantes de marques comme Rolex, Cartier et Patek Philippe. Y a-t-il une marque en particulier à laquelle vous prêtez plus d’attention en ce moment ?

Goldberger :
Longines. C’était une société très importante pendant la première moitié du siècle dernier qui produisait des montres uniques pour l’armée, l’aviation, l’exploration, etc. Une bonne technique et un beau design. Une belle marque qui aujourd’hui passe un peu inaperçue.

Henrik :
Les montres à quartz – Qu’en pensez-vous ?

Goldberger :
Il y a certainement quelques montres intéressantes dans ce domaine. Surtout les premières montres de Seiko. La première de Bulova. Et de Pulsar. J’aime le design de ces montres de la fin des années 60.

Henrik :
Depuis la scène désormais emblématique de l’épisode des “Talking Watches” de Hodinkee, où vous avez ouvert avec désinvolture le fond du boîtier d’un Chronographe Rolex extrêmement rare avec un couteau à fromage, j’ai l’impression que vous avez une façon très détendue de regarder les pièces les plus exclusives de votre collection.

Goldberger :
Oui, bien sûr. Mais ne vous y trompez pas. J’ai ouvert des milliers et des milliers de montres dans ma vie, donc même si je suis détendue, je respecte beaucoup la montre, parce que je sais comment faire les yeux fermés.

Mais oui, à la fin de la journée, ce n’est qu’une montre. Même si j’aime les montres, vous devez vous rappeler que c’est une montre. C’est une chose. Même si elle est belle, rare et de grande qualité, c’est toujours un objet. Si vous êtes trop pris et trop tendu à propos des montres, vous enlevez tout d’abord le plaisir de la montre. Je pense que c’est assez central dans ma façon de voir les choses.

Henrik :
La plupart de vos montres semblent être vintage. Que pensez-vous des montres modernes et de l’état actuel de l’industrie ?

Goldberger :
Il y a quelques belles montres modernes. C’est certain.

Pour moi, le fabricant de montres modernes le plus incroyable est Richard Mille. Comme leurs montres sont très originales, elles ont leur propre identité et ne copient pas les autres. Elles sont complètes et ne font pas de compromis. Ils investissent beaucoup dans la recherche et le design, ce qui est passionnant à voir pour un amateur de montres. Les designs sont extrêmement avancés et exécutés avec minutie. Dans l’ensemble, c’est donc une montre très bien fabriquée. C’est une marque peut-être un peu chère, mais je l’adore.

Ma préférée parmi elles est la version Bubba Watson. C’est un Tourbillon avec un boîtier en magnésium. Elle est si légère qu’elle peut flotter sur l’eau.

Henrik :
En plus de vos montres impeccables, vous avez un excellent goût pour l’art et le style en général. Vous êtes passionné par les vêtements et les chaussures ?

Goldberger :
Oui, très. J’ai deux tailleurs que j’ai fréquentés la majorité du temps. Ensuite, je combine mon style avec des pièces vintage que je trouve partout. J’aime combiner des pièces décontractées avec des vêtements plus formels. Cela crée un beau contraste. Comme ceci. Un pantalon de laine, un polo, une veste et une paire de mocassins. C’est tout ce qu’il vous faut, n’est-ce pas ?

Henrik :
Un mélange de décontracté, de formel et de vintage.

Goldberger :
Oui, c’est une bonne façon de le dire.

Henrik :
Vous vendez surtout des montres aux enchères et pas tellement en privé. Comment cela se fait-il ?

Goldberger :
Oui, de manière générale. Il est très difficile de trouver des collectionneurs privés avec une telle ampleur. Je préfère la vente aux enchères parce que tout le monde a alors accès à la montre. C’est ouvert à tous, n’est-ce pas ? Je pense que cela a du sens.

Henrik :
Qu’est-ce qui a changé dans la communauté des collectionneurs de montres depuis que vous avez commencé et quelles sont vos prévisions pour les futurs collectionneurs ?

Goldberger :
Vous pouvez le décrire très simplement. Avant, l’industrie horlogère et sa communauté de collectionneurs étaient fermées. Aujourd’hui, elle est ouverte à tous.

Et la raison de loin la plus importante est l’Internet. Nous être reconnaissant pour cela.

Je prévois qu’à l’avenir, de plus en plus de jeunes collectionneurs émergeront, ce qui est passionnant à voir. Et surtout de partout dans le monde. Tout est devenu plus ouvert.

Henrik :
Y a-t-il une montre particulière dans votre collection que vous de pourrez jamais vendre ?

Goldberger :
J’aime toutes mes montres, mais bien sûr je suis très attaché à la première que j’ai reçu de mon père.

Henrik :
Un jeune collectionneur, que lui suggéreriez-vous pour commencer ?

Goldberger :
Concentrez-vous sur les montres-outils (tool watches). Les plongeuses. Les chronographes. Les montres créées entre les années 50 et 70. Commencez par cela pour apprendre et ensuite vous pourrez développer à partir de là.

Henrik :
Vous avez vendu une montre, surnommée “la licorne”, pour 6,5 MUSD et vous avez donné l’argent à une œuvre de charité. Cela en dit beaucoup sur vous.

Goldberger :
C’est une excellente oeuvre de charité. J’ai décidé avant la vente aux enchères que je donnerais l’argent.

Henrik :
Mm. Juste comme ça.

[Pendant 30 secondes, nous sommes silencieux. Je regarde Auro. Il me regarde sympathiquement. Il lève les yeux. J’essaie de comprendre ce qui guide cet homme derrière la surface. Il est personnel, mais réservé. Il est généreux, mais réservé. Quelles leçons de jeunesse ont sculpté cet homme en l’individu qu’il est aujourd’hui ? Quelles valeurs lui ont été inculquées quand il était enfant et qui ont fait de lui l’un des hommes les plus humbles que j’ai rencontrés] ?

Henrik :
Tu devrais être fier de toi, Auro. Je sais que tu continues à le cacher, mais tu devrais en tirer fierté.

Goldberger :
Merci. Merci. Je suis heureux que tu apprécies cela. Par ailleurs, la gratification dont nous avons parlé pour cette campagne : veuillez en faire don à l’œuvre de charité  de Morjas, The Shoe That Grows.

Henrik :
Vous êtes sérieux ?

Goldberger :
Oui Henrik. Regarde. J’ai tout ce dont j’ai besoin. On vient de finir un bon déjeuner, on a bu du bon vin et je suis en bonne santé. Que pourrais-je demander de plus ? Les enfants de ta cause en ont bien plus besoin que moi.

Henrik :
Merci Auro. Je sais que Kenton, qui est le fondateur de The Shoe That Grows, sera aux anges car de nombreuses organisations ont mis fin à leurs activités en raison de laCovid. Cela signifie beaucoup pour nous.

Goldberger :
Avec plaisir.

Auro lève les yeux. Il réfléchit. Il demande : “Comment ça se passe en Suède pendant l’été ?”

Henrik :
Incroyablement beau avec beaucoup de lumière. Quand la pandémie sera terminée, je vous inviterai en Suède avec Francesca et ce sera à notre tour de vous accueillir. D’accord ?

Goldberger :
J’adorerais ça. Je sais que ma femme sera très enthousiaste. Peut-être déjà cet été ?

Henrik :
Oui, je l’espère vraiment.

[Nous terminons la journée. Je retourne à l’hôtel, touché par le mode de vie d’Auro. Guidé par l’amour et la simplicité dans sa façon de voir les choses.  Quand les autres se compliquent la vie, Auro la simplifie. C’est un bon précepte de vie].

Notre campagne avec Goldberger a été tournée chez lui à Bologne, en Italie. Le photographe est Abraham Engelmark. La direction créative et le style sont de Goldberger et Henrik Berg.